lundi 15 octobre 2007

LA "CLASSE POLITIQUE" - Faut-il l’ajouter aux catégories définies par Karl Marx?

1. La classe politique : la « classe manquante »?

En dehors des distinctions par des critères statistiques hiérarchisables, une classe sociale est une réalité sociologique (conscience de groupe, notion marxiste de conscience de classe) lorsqu’elle est animée par :

un sentiment d’appartenance à ladite classe
et la volonté de faire survivre cette classe.

Karl Marx dans ses analyses de la société industrialisée a mit en évidence l’existence de classes sociales, groupements d’individus partagant des intérets communs.

Le nombre de ces classes sociales ne fut pas strictement défini. Cela dépend de ses ouvrages et de l’époque de leur rédaction. Le nombre considéré variait de trois à sept.

Dans son ouvrage "la lutte des classes en France", il définit sept classes sociales :
l’aristocratie financière
la bourgeoisie industrielle
la bourgeoisie commerçante
la petite bourgeoisie
la paysannerie
le prolétariat
le lumpen prolétariat

Dans une interview publiée ici, M. Patrick Braouezec déclarait le 27 septembre dernier :

" Face aux coups bas de la ­droite, on fait corps, mais il n’y a pas d’esprit de groupe, ex­plique Patrick Braouezec, dé­puté de Seine-Saint-Denis ­ « refondateur ». Sur l’immigration et la sécurité, on a plus de points communs avec les écolos qu’avec certains camarades du parti. »"

http://bellaciao.org/fr/article.php...

Difficile de ne pas lire dans ce propos, sorte de lapsus linguae, l’expression d’un "esprit de corps" (« on fait corps ») , sinon même, d’une véritable "conscience de classe"....

Difficile de ne pas repenser ensuite à l’expression tant galvaudée de "classe politique" qui devrait pourtant frapper tout marxiste "de base"....au moins pour s’interroger sur la pertinence de l’expression.

D’ailleurs, avez-vous remarqué que cette expression , « classe politique » , autrefois employée à tort et à travers, a presque disparu du paysage médiatique ? N’est-ce-pas un autre signe que maintenant, cette classe, calquée dans son fonctionnement sur la bourgeoisie mais non réductible à elle, existe réellement ?

2. Petite histoire de l’indemnité parlementaire...

Vous allez me dire, mais pourquoi ce détour par l’indemnité parlementaire ...?

"L’indemnité parlementaire Elle a été instituée dès 1789 par et pour la première assemblée révolutionnaire, l’Assemblée nationale constituante : 18 livres par jour. Le décret du 1er septembre 1789 qui la prévoit n’a pas été publié au Bulletin des Lois. Les assemblées suivantes en ont maintenu le principe, avec des variations dans le montant et parfois les modalités (référence au prix d’une certaine quantité de blé sous le Directoire).

Sous la Restauration, dont le régime électoral fondé sur le cens supposait que les électeurs et les députés avaient de la fortune, la gratuité du mandat est la règle. Article 19 de la loi du 5 février 1817 : « Les députés ne reçoivent ni traitement ni indemnité », texte repris sous la Monarchie de Juillet (article 67 de la loi du 19 avril 1831).

A l’inverse, l’instauration du suffrage universel le 5 mars 1848 devait avoir pour corollaire l’octroi d’une indemnité aux élus. Le Gouvernement provisoire la fixa à 25 francs par jour, ce que confirma et consacra l’article 38 de la Constitution du 4 novembre 1848.

Louis-Napoléon Bonaparte, auteur d’un coup d’État qui, le 3 décembre 1851, à Paris, tua le député Baudin pour « 25 F. par jour », supprima dans un premier temps l’indemnité (article 37 de la Constitution du 14 janvier 1852) mais la rétablit rapidement (article 14 du sénatus-consulte du 25 décembre 1852) : indemnité de 2.500 F par mois de session ordinaire et extraordinaire, portée à 12 500 F pour chaque session ordinaire, quelle qu’en soit la durée, en juillet 1866).

La Troisième République (Loi du 30 novembre 1875) reprend l’indemnité de 9.000 F par mois, par renvoi à la loi du 15 mars 1847. Les augmentations successives de ces indemnités, votées par les parlementaires eux-mêmes -par exemple en 1906 lorsqu’ils la portèrent de 9 000 à 15 000 F- ne contribuèrent pas à la popularité de ce qu’on n’appelait pas encore la « classe politique ».

Dès la fin de la Troisième République (1938), il fut décidé, pour que les augmentations de l’indemnité devenues automatiques cessent d’être controversées, de la fixer en relation avec les traitements d’une certaine catégorie de fonctionnaires. Cette liaison fut confirmée par la Constitution de 1946 (article 23) et, sous la Cinquième République, par une ordonnance organique de décembre 1958.

L’indemnité parlementaire proprement dite est calculée aujourd’hui par référence au traitement des fonctionnaires classés dans la catégorie « hors échelle », ce qui correspond, en pratique, au traitement d’un conseiller d’État ayant moins d’une année d’ancienneté dans son grade.

Depuis la loi de finances rectificative du 31 décembre 1992, l’indemnité parlementaire, et l’indemnité de résidence qui l’accompagne, sont soumises au droit commun des traitements et salaires, et donc intégralement imposables. Il en résulte que le mandat parlementaire est maintenant assimilable à une profession, rémunérée et fiscalisée comme telle. C’est un tournant. A la fin de la Troisième République, « La profession parlementaire » avait été le titre, péjoratif, d’un ouvrage où André Tardieu avait dénoncé la « perversion » du mandat en carrière.

La nécessité d’une rémunération convenable s’est d’autant plus imposée que se sont étendues les incompatibilités du mandat parlementaire, non seulement avec les fonctions publiques, mais avec de nombreuses activités privées.

Si profession il y a, aucune en France n’a été l’objet depuis quarante ans de plus de restrictions, contraintes, interdictions, de tous ordres -constitutionnelles, législatives, réglementaires- que celle de député ! Et ce n’est pas terminé."

Source : http://www.assemblee-nationale.fr/c...

Difficile de ne pas voir que la professionnalisation de la fonction de "députés" pour ne parler que de ceux-là, que leur (grasse) rémunération et leur statut très privilégié (à l’origine, pour la bonne cause) a plus que largement contribué à créer cette "nouvelle classe" au fil des "Républiques".

République - Res Publica - Les "grands élus" vivent aujourd’hui largement de la chose publique. Ils ne sont plus ni des prolétaires ni des bourgeois mais des "hommes politiques".

En soi ce n’était pas un mal, à l’origine, plutôt même une bonne intention. Quoi que l’on peut quand même s’interroger sur la pertinence des salaires ainsi versés, sans proportion aucune avec le salaire moyen des Français.

Symbole de ce que le communisme s’est toujours méfié grandement de cette rémunération, et des financements publics directs (au-delà de considération de principes), les élus reversent la totalité de leurs indemnités (pour la plupart d’entre eux ils jouent le jeu), en contrepartie de quoi ils perçoivent un salaire du PCF.

Mais cela ne suffit pas ou plus à lutter contre l’infusion de la « classe politique » en notre sein même car si les barrières à l’argent sont un contre-feu "de base", nous n’avons pas dans notre parti la structure qui permette de lutter réellement contre cette invasion de l’esprit.

3. La lutte des classes et la classe politique

3.1. La lutte des classes

S’inspirant de nombreux auteurs philosophes, économistes ou historiens, Marx et Engels mettent en relation différents concepts afin de comprendre au mieux la société et ses structures. Le concept de lutte des classes des libéraux, associé à une critique de certains aspects de la pensée de Hegel ainsi qu’à une conception matérialiste de l’histoire constituent des éléments contribuant à expliquer les mouvements historiques.

Le marxisme envisage que la classe exploitée (le prolétariat) s’émancipera en renversant la domination de la classe exploiteuse (la bourgeoisie) pour atteindre l’égalité (la société sans classe).

Selon la perspective marxiste, l’histoire de la société jusqu’à nos jours reflète la division de la société en classes sociales ("homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés") qui s’opposent dans une lutte ininterrompue, tantôt déclarée, tantôt larvée, pacifique ou non.

La société capitaliste moderne, en renversant les divisions en ordres de la société féodale n’a pas aboli les antagonismes de classe, mais les a remplacés par des nouveaux. Elle les a également simplifiés, et de nos jours, la "société se divise de plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes diamétralement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat".

3.2. Symptômes de la domination de la classe politique

L’émergence puis l’existence de cette classe "invisible" qu’est la classe politique, que le peuple ne perçoit qu’intuitivement et par à-coups anti-parlementaristes, qui s’exprime poliment dans l’abstention ou violemment dans l’attentat d’Auguste Vaillant, est le principal frein aujourd’hui à une lutte des classes saine et fondée sur les rapports de propriété du capital et de production.

Est-elle une lutte secondaire? Je ne saurai le dire, c’est une réflexion à mener le cas échéant à plusieurs.

La toute puissance de Sarkozy sur le Capital (et non plus l’inverse) est une nouveauté et risque par dessus tout, paradoxalement, d’achever de constituer, de "coaliser" cette classe en la rendant indépendante tant du prolétariat que de la bourgeoisie capitaliste, et de nous emmener directement à la une révolution des plus sanglantes (« ceux qui en sont » / « ceux qui n’en sont pas » ).

Autrefois "propriétaire" des assemblées et des parlements, le Capital est aujourd’hui dans une situation inverse puisque la classe politique se finance principalement sur le Trésor Public (auquel contribuent plus que majoritairement les prolétaires, à un double niveau) d’une part, et que d’autre part, le monde des affaires (à l’exception de quelques « lawyers » et d’un ou deux Dassaut) a déserté en tant que tel la sphère de la classe politique, la laissant sans contrôle interne de sa propre classe. On le constate a contrario quand on lit par exemple "Le choix de la défaite" d’Annie Lacroix-Riz, qui offre une epinture ultra-réaliste de la composition du pouvoir et des élites dans les années 30.

Arnaud Lagardère ? Il n’est pas au Parlement. Pinault ? Non plus. Arnault ? Bettencourt ? Pas plus .Vincent Bolloré ? Martin Bouygues ? Leclerc? Non. Personne de cette « caste » des hommes et femmes d’affaires richissimes. Pas de banquier non plus. Anne Lauvergeon, un temps pressentie, a décliné et n’a jamais été officiellement engagée en politique.

La composition de l’Assemblée nationale offre aujourd’hui une écrasante majorité de fonctionnaires (plus de la moitié de catégorie A ou des grands corps d’Etat et professeurs des universités), seulement 19 membres répertoriés comme chefs d’entreprises et dirigeants industriels, une cinquantaine de cadres supérieurs salariés du privé et du public, de nombreuses professions libérales.

A noter une vingtaine de membres « sans profession déclarée », dont Annick Lepetit (PS) et Françoise de Panafieu (UMP)…

http://www.assemblee-nationale.fr/1...

Bien sûr, on peut penser ou dire que le Capital a mis ses hommes-liges ici et là. Mais une rapide inspection convainc qu’il a négligé de procéder à cela depuis maintenant une quinzaine d’années.

3.3. Le péché d’orgueil du Capital

Péché d’orgueil, oui, sans doute. Se pensant triomphant et ayant fini par croire à la fable de la domination de l’économie sur le politique, il a déserté un champ de bataille qui lui était pourtant acquis de longue date….

Dématérialisé, diffus, apatride, vacillant de toutes parts, pris au piège de ses propres règles, le Capital a plus que jamais besoin des Lois ,de la Justice et de la Police pour faire perdurer son système et protéger la propriété privée.

Or, qui tient tout cela aujourd’hui?....

Que devient M. Lagardère, tout capitaine capitaliste qu’il soit, si M. Sarkozy "le lâche" dans l’affaire EADS?

Que deviennent-ils, tous ces hommes d’affaires plus ou moins véreux, si on ne dépénalise pas droit des affaires et droit social?...

L’affaire Tapie était pourtant un signal fort de ce que le politique avait pris le dessus sur l’argent, rétrospectivement.

Professionnalisée et assise, cette classe a dévoyé un système mis en place à l’origine avec de belles intentions et un objectif noble.

Elle n’a plus besoin des mannes de la bourgeoisie financière ou industrielle pour vivre plus que correctement (le non cumul des mandats n’étant pas respecté, les limitations de mandat non plus) et elle est aujourd’hui dans une situation de quasi autonomie au regard des rapports de production classiques.

La République leur offre ors et apparats à profusion, transports, nourritures, quand ils sont « au pouvoir ». (Dans « l’opposition » certes, c’est un peu moins drôle….)

3.4. Le rôle de la classe politique dans la lutte des classes

Le drame pour le peuple est que la classe politique qui existe aujourd’hui, en tant que classe constituée, à la conscience et aux règles extrêmement strictes et fortes, recoupe et hélas, unit dans des "intérêts de classe" des personnes issues de classes "primitives" théoriquement en conflit (prolétaires et bourgeois), dans une classe "transversale" qui annihile les antagonismes de classe que ces personnes auraient conservés si elles n’avaient pas été élues à l’Assemblée ou au Sénat.

Comment expliquer autrement (sinon par un consensualisme bêlant que d’aucuns auraient appelé "crétinisme parlementaire") "l’alternance", "la cohabitation", la « gauche plurielle » et toutes ces choses au bout du compte, mystérieuses?

Elle est peut-être là , la clef de nos échecs, de notre incapacité à surmonter la crise de légitimité qui frappe si cruellement le parti communiste ?

Si cette hypothèse devait être vérifiée, cela aurait des implications importantes pour la suite des évènements, en notre sein, et au-delà, en France.

Cela engendrerait des prises de décisions radicales, et des solutions nouvelles pour faire de la politique "autrement" , comme aurait dit la belle royale, dont le mérite revient à ce qu’elle a senti ce besoin chez le citoyen (il faut lui reconnaître au moins ça).

L’engouement pour sa "démocratie participative" n’est sûrement pas neutre dans le score qu’elle a réussi à faire malgré l’indigence de son programme, l’absence de soutien de son parti et l’ambiguïté de son discours.

C’est ce que traduit le leitmotiv populaire du « tous pourris » ou de la « République des copains ».

Si cette hypothèse est vraie, alors, alliée à une déconscientisation "de base" des "masses laborieuses" , elle explique en grande partie l’impasse politique dans laquelle nous nous trouvons particulièrement, nous ,communistes du PCF, et cela explique la remontée manifeste de la LCR et, autrefois, les gains de Le Pen, le "chevalier anti-classe politique".

Si Sarkozy a gagné, c’est peut être finalement avant tout parce qu’il s’est présenté comme celui qui allait "dynamiter la politique politicienne" mieux que quiconque, celui en qui la majorité des Français a cru pour ENFIN "casser la classe politique". Son tour de force réside en ce qu’il a pu faire croire qu’il n’en faisait pas partie, de cette classe.

Sa "politique d’ouverture", sa façon de traiter ses collaborateurs et élus aujourd’hui, sa façon de s’essuyer les bottes sur le Parlement, ne dit peut être pas autre chose que cette promesse que les Français avaient une envie folle d’entendre et de lui voir tenir.

« Ensemble » : « lui » et « nous » contre la « classe politique » décrédibilisée et honnie.

Ils ont peut être préféré échanger une "classe politique" parlementaire , qui fait si souvent "corps", et qui les méprise ou donne l’impression de les mépriser, alors même qu’elle est issue de leurs rangs, contre un tyran, au sens strict du terme.

Un nouveau monarque absolu en somme.

Ce faisant ,cette lutte risque de masquer la lutte essentielle alors même que le capitalisme est en phase décroissante et que nous sommes peut être en voie de le dépasser.

4. Des remèdes, il y en a, mais il faut du courage.

Le remède, avant que le pire se produise (retournement du peuple avant tout contre la "classe politique », révolution avortée car mal fondée, sévèrement réprimée, aboutissant à l’instauration d’une dictature sans fard), c’est le courage politique dont doivent impérativement faire preuve aujourd’hui en urgence les « grands élus » de la gauche.

Se dépouiller en quelque sorte , poru remettre le pouvoir là où il n’aurait jamais du cesser d’être.

Une des causes principales de cette situation néfaste, c’est l’absence dramatique de renouvellement suffisamment fréquent des représentants du peuple.

Ce que l’on a appelé la « professionnalisation des politiques ».

Non respect des règles relatives au non cumul des mandats, absence de limitation des mandats, insuffisance des mécanismes permettant d’assurer une représentation réellement populaire, qui enverrait à l’Assemblée ou au Sénat, ma collègue de bureau, mon boucher ou l’institutrice de mes enfants, pour un mandat ou deux au maximum.

Pour résumer par une formule lapidaire, c’est bien la « 6ème République » qu’il faut mettre au monde, à commencer en notre sein, car les partis politiques, comme les syndicats, sont les premiers échelons de la participation et de la représentation politique des citoyens.

Nous seuls avons encore en nous de quoi accomplir cette révolution feutrée mais nécessaire.

Il est urgent de restaurer la démocratie : le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple.

Si nous donnons l’exemple, si nous sortons de cet étouffement et de ce jeu de dupes, non seulement nous ne mourrons pas, mais au contraire, nous grandirons et reprendrons vigueur.

« Là où il y a une volonté, il y a un chemin. »

Aujourd’hui, la sanction qui nous frappe est avant tout celle de notre compromission avec cette classe et ses représentants les plus voyants. Cette sanction est à la hauteur des espoirs que nous avons suscités et des déceptions que nous avons causées.

A tort ou à raison, les gens attendent de nous que nous soyons presque irréprochables, « incorruptibles ». Le moindre faux-pas, les communistes le paient toujours « cash ».

Notre devoir aujourd’hui c’est de contribuer à mettre un terme au système pourri dans lequel nous pataugeons tous, du bas au haut de l’échelle.

Notre devoir de communistes ( pas seulement en France ,mais partout ailleurs, je pense par exemple à l’Italie) c’est d’arrêter de se compromettre avec ce simulacre de démocratie.

La 6ème République, nous la voulons, il nous la faut.

Alors, faisons-la, avant qu’il soit trop tard. Et commençons chez nous.

Fraternellement, La Louve

« L’unique rôle des prétendus "dirigeants" de la social-démocratie consiste à éclairer la masse sur sa mission historique. L’autorité et l ’influence des "chefs" dans la démocratie socialiste ne s’accroissent que proportionnellement au travail d’éducation qu’ils accomplissent en ce sens. Autrement dit, leur prestige et leur influence n’augmentent que que dans la mesure où les chefs détruisent ce qui fut jusqu’ici la base de toute fonction de dirigeants : la cécité de la masse, dans la mesure où ils se dépouillent eux-mêmes de leurs qualités de chefs, dans la mesure où ils font de la masse la dirigeante, et d’eux mêmes les organes exécutifs, de l’action consciente de la masse. » (Rosa Luxembourg)

4 commentaires:

Osemy a dit…

Ces derniers temps, j’ai découvert ça : "l’Etat et la Révolution" - ça m’a mis une belle gifle. Lénine était vraiment un super exégète de Marx ( même si Lénine a aussi dit et écrit des b..., ou a pu se tromper - au moins il était critique aussi vis à vis de lui-même).

Encore une fois je ne fais pas de tout cela des dogmes mais que c’est intéressant - Je vous soumets qques extraits que j’ai aimés , pour le plaisir ! La Louve

ps : c moi qui mets certains passages en it. ou soulignés


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"Il faut noter encore qu’Engels est tout à fait catégorique lorsqu’il qualifie le suffrage universel d’instrument de domination de la bourgeoisie. Le suffrage universel, dit-il, tenant manifestement compte de la longue expérience de la social-démocratie allemande, est :

"... l’indice qui permet de mesurer la maturité de la classe ouvrière. Il ne peut être rien de plus, il ne sera jamais rien de plus dans l’Etat actuel."

Les démocrates petits-bourgeois tels que nos socialistes-révolutionnaires et nos menchéviks, de même que leurs frères jumeaux, tous les social-chauvins et opportunistes de l’Europe occidentale, attendent précisément quelque chose "de plus" du suffrage universel. Ils partagent eux-mêmes et inculquent au peuple cette idée fausse que le suffrage universel, "dans l’Etat actuel ", est capable de traduire réellement la volonté de la majorité des travailleurs et d’en assurer l’accomplissement."(...)

"Le prolétariat s’empare du pouvoir d’Etat et transforme les moyens de production d’abord en propriété d’Etat. Mais par là, il se supprime lui-même en tant que prolétariat, il supprime toues les différences de classes et oppositions de classes et également en tant qu’Etat. La société antérieure, évoluant dans des oppositions de classes, avait besoin de l’Etat, c’est-à-dire, dans chaque cas, d’une organisation de la classe exploiteuse pour maintenir ses conditions de production extérieures, donc surtout pour maintenir par la force la classe exploitée dans les conditions d’oppression données par le mode de production existant (esclavage, servage, salariat).

L’Etat était le représentant officiel de toute la société, sa synthèse en un corps visible, mais cela, il ne l’était que dans la mesure où il était l’Etat de la classe qui, pour son temps, représentait elle-même toute la société : dans l’antiquité, Etat des citoyens propriétaires d’esclaves ; au moyen âge, de la noblesse féodale ; à notre époque, de la bourgeoisie.

Quand il finit par devenir effectivement le représentant de toute la société, il se rend lui-même superflu.

Dès qu’il n’y a plus de classe sociale à tenir dans l’oppression ; dès que, avec la domination de classe et la lutte pour l’existence individuelle motivée par l’anarchie antérieure de la production, sont éliminés également les collisions et les excès qui en résultent, il n’y a plus rien à réprimer qui rende nécessaire un pouvoir de répression, un Etat.

Le premier acte dans lequel l’Etat apparaît réellement comme représentant de toute la société, - la prise de possession des moyens de production au nom de la société, - est en même temps son dernier acte propre en tant qu’Etat. L’intervention d’un pouvoir d’Etat dans des rapports sociaux devient superflue dans un domaine après l’autre, et entre alors naturellement en sommeil. Le gouvernement des personnes fait place à l’administration des choses et à la direction des opérations de production. L’Etat n’est pas "aboli", il s’éteint. Voilà qui permet de juger la phrase creuse sur l’"Etat populaire libre", tant du point de vue de sa justification temporaire comme moyen d’agitation que du point de vue de son insuffisance définitive comme idée scientifique ; de juger également la revendication de ceux qu’on appelle les anarchistes, d’après laquelle l’Etat doit être aboli du jour au lendemain" (Anti-Dühring, Monsieur E. Dühring bouleverse la science, pp. 301-303 de la 3e édit. allemande).

On peut dire, sans crainte de se tromper, que ce raisonnement d’Engels, si remarquable par sa richesse de pensée, n’a laissé, dans les partis socialistes d’aujourd’hui, d’autre trace de pensée socialiste que la notion d’après laquelle l’Etat "s’éteint", selon Marx, contrairement à la doctrine anarchiste de l’"abolition" de l’Etat. Tronquer ainsi le marxisme, c’est le réduire à l’opportunisme ; car, après une telle "interprétation", il ne reste que la vague idée d’un changement lent, égal, graduel, sans bonds ni tempêtes, sans révolution. L’"extinction" de l’Etat, dans la conception courante, généralement répandue dans les masses, c’est sans aucun doute la mise en veilleuse, sinon la négation, de la révolution.

Or, pareille "interprétation" n’est qu’une déformation des plus grossières du marxisme, avantageuse pour la seule bourgeoisie et théoriquement fondée sur l’oubli des circonstances et des considérations essentielles indiquées, par exemple, dans les "conclusions" d’Engels que nous avons reproduites in extenso.

Premièrement. Au début de son raisonnement, Engels dit qu’en prenant possession du pouvoir d’Etat, le prolétariat "supprime par là l’Etat en tant qu’Etat". On "n’a pas coutume" de réfléchir à ce que cela signifie. D’ordinaire, ou bien l’on en méconnaît complètement le sens, ou bien l’on y voit, de la part d’Engels, quelque chose comme une "faiblesse Hégélienne". En réalité, ces mots expriment en raccourci l’expérience d’une des plus grandes révolutions prolétariennes, l’expérience de la Commune de Paris de 1871, dont nous parlerons plus longuement en son lieu.

Engels parle ici de la "suppression", par la révolution prolétarienne, de l’Etat de la bourgeoisie , tandis que ce qu’il dit de l’"extinction" se rapporte à ce qui subsiste de l’Etat prolétarien , après la révolution socialiste. L’Etat bourgeois, selon Engels, ne "s’éteint" pas ; il est "supprimé" par le prolétariat au cours de la révolution. Ce qui s’éteint après cette révolution, c’est l’Etat prolétarien, autrement dit un demi-Etat." (...)

"L’"Etat populaire libre" était une revendication inscrite au programme des social-démocrates allemands des années 70 et qui était devenue chez eux une formule courante. Ce mot d’ordre, dépourvu de tout contenu politique, ne renferme qu’une traduction petite-bourgeoise et emphatique du concept de démocratie. Dans la mesure où l’on y faisait légalement allusion à la république démocratique, Engels était disposé à "justifier", "pour un temps", ce mot d’ordre à des fins d’agitation. Mais c’était un mot d’ordre opportuniste, car il ne tendait pas seulement à farder la démocratie bourgeoise ; il marquait encore l’incompréhension de la critique socialiste de tout Etat en général. Nous sommes pour la république démocratique en tant que meilleure forme d’Etat pour le prolétariat en régime capitaliste ; mais nous n’avons pas le droit d’oublier que l’esclavage salarié est le lot du peuple, même dans la république bourgeoise la plus démocratique. Ensuite, tout Etat est un "pouvoir spécial de répression" dirigé contre la classe opprimée. Par conséquent, aucun Etat n’est ni libre, ni populaire. Cela, Marx et Engels l’ont maintes fois expliqué à leurs camarades de parti dans les années 70

."

(....)

"Le prolétariat se servira de sa suprématie politique pour arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’Etat, c’est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante, et pour augmenter au plus vite la quantité des forces productives" (pp. 31, 37 de la 7e édition allemande de 1906).

L’on trouve formulée ici l’une des idées les plus remarquables et les plus importantes du marxisme au sujet de l’Etat, celle de la "dictature du prolétariat" (comme devaient s’exprimer Marx et Engels après la Commune de Paris) ; nous y trouvons ensuite une définition de l’Etat, intéressante au plus haut point, et qui est également au nombre des "paroles oubliées" du marxisme : "L’Etat, c’est-à-dire le prolétariat organisé en classe dominante. "

Cette définition de l’Etat n’a jamais été commentée dans la littérature de propagande et d’agitation qui prédomine dans les partis social-démocrates officiels. Bien plus : elle a été très précisément oubliée parce qu’elle est absolument inconciliable avec le réformisme ; elle heurte de front les préjugés opportunistes habituels et les illusions petites-bourgeoises quant à l’"évolution pacifique de la démocratie".

Le prolétariat a besoin de l’Etat - tous les opportunistes, les social-chauvins et les kautskistes le répètent en assurant que telle est la doctrine de Marx, mais ils "oublient " d’ajouter, premièrement, que d’après Marx, il ne faut au prolétariat qu’un Etat en voie d’extinction, c’est-à-dire constitué de telle sorte qu’il commence immédiatement à s’éteindre et ne puisse pas ne point s’éteindre. Deuxièmement, que les travailleurs ont besoin d’un "Etat" qui soit le "prolétariat organisé en classe dominante".

(...)

"La doctrine de la lutte des classes, appliquée par Marx à l’Etat et à la révolution socialiste, mène nécessairement à la reconnaissance de la domination politique du prolétariat, de sa dictature, c’est-à-dire d’un pouvoir qu’il ne partage avec personne et qui s’appuie directement sur la force armée des masses. La bourgeoisie ne peut être renversée que si le prolétariat est transformé en classe dominante capable de réprimer la résistance inévitable, désespérée, de la bourgeoisie, et d’organiser pour un nouveau régime économique toutes les masses laborieuses et exploitées.

Le prolétariat a besoin du pouvoir d’Etat, d’une organisation centralisée de la force, d’une organisation de la violence, aussi bien pour réprimer la résistance des exploiteurs que pour diriger la grande masse de la population - paysannerie, petite bourgeoisie, semi-prolétaires - dans la "mise en place" de l’économie socialiste.

En éduquant le parti ouvrier, le marxisme éduque une avant-garde du prolétariat capable de prendre le pouvoir et de mener le peuple tout entier au socialisme, de diriger et d’organiser un régime nouveau, d’être l’éducateur, le guide et le chef de tous les travailleurs et exploités pour l’organisation de leur vie sociale, sans la bourgeoisie et contre la bourgeoisie. Au contraire, l’opportunisme régnant éduque, dans le parti ouvrier, des représentants des travailleurs les mieux rétribués qui se détachent de la masse : ils "s’accommodent" assez bien du régime capitaliste et vendent pour un plat de lentilles leur droit d’aînesse, c’est-à-dire qu’ils abdiquent leur rôle de chefs révolutionnaires du peuple dans la lutte contre la bourgeoisie."(...)

"Traitant de la question de l’Etat, qui nous préoccupe ici, Marx fait le bilan de la révolution de 1848-1851, dans son 18 Brumaire de Louis Bonaparte , en développant le raisonnement suivant :

"Mais la révolution va jusqu’au fond des choses. Elle ne traverse encore que le purgatoire. Elle mène son affaires avec méthode. Jusqu’au 2 décembre 1851 [date du coup d’Etat de Louis Bonaparte], elle n’avait accompli que la moitié de ses préparatifs, et maintenant elle accomplit l’autre moitié. Elle perfectionne d’abord le pouvoir parlementaire, pour le renverser ensuite. Ce but une fois atteint, elle perfectionne le pouvoir exécutif , le réduit à sa plus simple expression, l’isole, dirige contre lui tous les reproches pour pouvoir concentrer sur lui toutes ses forces de destruction [souligné par nous], et, quand elle aura accompli la seconde moitié de son travail de préparation, l’Europe sautera de sa place et jubilera : Bien creusé, vieille taupe !"

(...) "La République parlementaire, enfin, se vit contrainte, dans sa lutte contre la révolution, de renforcer par ses mesures de répression les moyens d’action et la centralisation du pouvoir gouvernemental. Tous les bouleversements n’ont fait que perfectionner cette machine au lieu de la briser [souligné par nous]. Les partis qui luttèrent à tour de rôle pour le pouvoir considérèrent la conquête de cet immense édifice d’Etat comme la principale proie du vainqueur" (Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte , pp. 98-99, 4e édition allemande, Hambourg, 1907).

Dans ce remarquable aperçu, le marxisme accomplit un très grand pas en avant par rapport au Manifeste communiste, où la question de l’Etat était encore posée d’une manière très abstraite, dans les notions et termes les plus généraux. Ici, la question est posée de façon concrète et la déduction est éminemment précise, définie, pratiquement tangible : toutes les révolutions antérieures ont perfectionné la machine de l’Etat ; or il faut la briser, la démolir

."(...)

Anonyme a dit…

ça tombe effectivement bien de rappeler tout ça ces temps ci où les partis prétendument de gauche se larmoient sur des mises en communs d'alliances mal conçues car en fait inconcevables : précisément parce que les uns comme les autres ont complètement oublié leurs racines, leurs méthodologies d'attribution de sens, d'analyse de l'environnement, de conceptualisation stratégique d'action et de discours.

Par ailleurs il est une chose dont on ne reparle pas assez me semble-t-il, c'est la notion de prise de conscience qui implique une responsabilité civile que les gens du commun quelqu'ils soient ne connaissent pas.

Ce que j'observe partout et qui me semble cause aussi de l'échec des mouvements de gauche depuis 30 ans, c'est l'évolution des moeurs communes dans le sens du développement de l'individualisme consummériste égoïste, donc de la déresponsabilité civile. Et ce phénomène est l'antithèse de la prise de conscience responsable nécessaire à la révolution, à la construction de la vie communiste.

L'état devient de fait, au bout d'une certain développement de prise de conscience globale des prolétaires rassemblés dans le communisme, inutil, autant comme régulateur, gestionnaire, que biensûr, outil de répression, car les gens, responsables sont devenus capables d'une réelle autonomie civile.

Nous en sommes loin dans le "chacun pour soi royal" du capitalisme populaire paradoxalement voulu par la bourgeoisie qui nous est imposé.

Et qui logiquement, ce capitalisme développe le renforcement et la croissance de son illusion, comme des phénomènes de délinquence à tous les niveaux, car ce qui est valorisé, moralement et pécunièrement, ce n'est plus l'engagement responsable collectif, le travail, mais le bénéfice individuel, l'égoïsme ethnocentré ou individualisé, sectaire et sectataire, le détournement à des fins personnalisées de tout système, le mépris contradictoire de toute loi ou régulation collectivement établies et bienveillantes : le capitalisme et la délinquence sont liés par une valeur commune qui est la malveillance. Le capitalisme est une délinquence une criminalité.

La responsabilisation par la prise de conscience est primordiale à toute avancée vers ce communisme global qu'il faut construire pour sauver la vie sur cette planète étouffée par une population dévorante, et pour faire vivre ENSEMBLE des milliards de gens dans leurs diversités culturelles essentielles.

Paul

Anonyme a dit…

Salut Paul,
Ton texte est très bien mais un petit "truc"me gêne.Quand tu parles de délinquence tu ne parles que de la grande délinquence,je pense?Car selon moi la délinquence petite et moyenne est le fruit de la misère provoquée par la grande bourgeoisie,le capitalisme.Quand on crève de faim on tombe obligatoirement dans la délinquence puisqu'il n'y a aucune autre issue.
On peut dire sans se tromper que dans la misère : délinquence = survie.
Fraternellement à plus
François.

Anonyme a dit…

Salut la Louve,

Tu fais bien de mettre ces extraits, car ils n'ont rien perdu de leur force...

Michel
(PCF)