mercredi 10 octobre 2007
Rosa LUXEMBOURG, Extraits de "Marxisme contre dictature"
"Les erreurs commises par un mouvement ouvrier vraiment révolutionnaire sont historiquement infiniment plus féconds et plus précieuses que l’infaillibilité du meilleur ’Comité central’" (R. Luxembourg, in Marxisme contre dictature,2è édition, Cahiers Spartacus , juillet 1946, p.33)
" C’est pourquoi l’intelligence propre de la masse quant à ses tâches et moyens est pour l’action socialiste une condition historique indispensable tout comme l’inconscience de la masse fut autrefois la condition des actions des classes dominantes. Par là, l’opposition entre les "chefs" et la majorité qui "trotte à leur suite" est abolie , le rapport entre la masse et leurs chefs est renversé. L’unique rôle des prétendus "dirigeants" de la social-démocratie consiste à éclairer la masse sur sa mission historique. L’autorité et l ’influence des "chefs" dans la démocratie socialiste ne s’accroissent que proportionnellement au travail d’éducation qu’ils accomplissent en ce sens. Autrement dit, leur prestige et leur influence n’augmentent que que dans la mesure où les chefs détruisent ce qui fut jusqu’ici la base de toute fonction de dirigeants : la cécité de la masse, dans la mesure où ils se dépouillent eux-mêmes de leurs qualités de chefs, dans la mesure où ils font de la masse la dirigeante, et d’eux mêmes les organes exécutifs, de l’action consciente de la masse. " (id. P. 37)
"(...) l’action du socialisme pour sauver la civilisation des griffes féodales prussiennes, se déploiera avec une vigueur renforcée justement grâce à la liquidation du révisionnisme. Car la connexion intime du mouvement socialiste avec l’essor intellectuel se réalise non pas grâce aux transfuges qui nous viennent de la bourgeoisie, mais grâce à l’élévation de la masse prolétarienne. Cette connexion se fonde non sur une affinité quelconque de notre mouvement avec la société bourgeoise, mais sur son opposition à cette société. Sa raison d’être est le but final du socialisme, la restitution de toutes les valeurs de civilisation à la totalité du genre humain. Et plus le caractère prolétarien de la social-démocratie s’accentuera, plus il y aura de chances que la civilisation allemande soit sauvée de l’étreinte de ses zélateurs féodaux et que l’Allemagne même échappe à l’ankylose de type chinois où voudraient la maintenir les conservateurs.(...)"(id. P. 42)
Et je terminerai par quelques extraits de la préface de Lucien Laurat à l’œuvre précitée (id. PP.9 et s.) :
"(...)Dans la société présente, bouleversée par les séismes des vingt dernières années, grandit une jeunesse ardente et inquiète ; rongée par un mal du siècle qui rappelle par bien des points celui dont Alfred de Musset dépeignit, il y a cent ans, l’évolution et les symptômes. Cette jeunesse ne se résigne pas à expier les fautes de ses pères. Ce n’est pas elle qui a rendu notre monde si inhabitable, ce n’est pas elle qui a construit cette société qui fait de son existence une chaîne ininterrompue de privations matérielles, de déceptions intellectuelles et de souffrances morales. Elle veut que cela change et s’apprête à monter à l’assaut de la forteresse sociale appelée capitalisme, déjà minée mais encore redoutable.
La fraction la plus consciente de cette jeunesse se groupe déjà sous les bannières socialistes. Elle connaît bien le but qu’elle veut atteindre,et de nombreuses brochures lui permettent de se familiariser rapidement avec les idées essentielles du socialisme scientifique. La leçon de choses de la crise actuelle lui facilite la compréhension des objectifs socialistes. Elle sait donc bien ce qu’elle veut , mais sait beaucoup moins comment elle doit le vouloir. Cette tare, elle la partage d’ailleurs avec la plupart des militants adultes : les divergences sur les méthodes à employer sont loin d’être liquidées dans l’internationale ouvrière. Les divergences sur les méthodes portent avant tout sur la conquête du pouvoir , la démocratie et la dictature, la légalité et la violence ; et ces discussions sont si passionnantes que bie ndes socialistes en oublient de réfléchir sur un problème apparemment secondaire, d’aspect plutôt sobre et rébarbatif : la question de la forme de l’organisation prolétarienne. Beaucoup de socialistes, surtout jeunes, tendant à croire qu’il n’y a aucun rapport entre la doctrine socialiste et l’organisation socialiste, que cette dernière ne dépend, sans aucune considération de doctrine, que des besoins tactiques et stratégiques du moment. L’on s’imagine que l’on peut resserrer l’organisation socialiste au point de la militariser sous l’égide d’un comité occulte et de transformer le parti tout entier en une vaste caserne. Les articles de Rosa Luxembourg recueillis dans ce volume détromperont ceux qui pensent ainsi. A leur lecture on se rendra compte que la question d’organisation, si éloignée qu’elle paraisse à première vue de toute considération de doctrine , se lie intimement à l’ensemble des idées du socialisme scientifique. La fameuse phrase de Marx : "L’émancipation des travailleurs sera l"œuvre des travailleurs eux-mêmes" n’est pas une simple formule destinée à l’agitation. Elle renferme la quintessence de ce qui distingue le socialisme scientifique du socialisme utopique : personne, nul philanthrope et nul dictateur - si excellentes que puissent être leurs intentions - ne peut offrir le socialisme aux travailleurs sur un plateau.
(...) C’est en partant de ces considérations , qui sont l’ABC du marxisme, que Rosa Luxembourg tire ses conclusions pour ce que doit être l’organisation socialiste. Cette organisation doit être susceptible de développer au maximum la conscience socialiste des travailleurs et leur permettre de s’instruire par l’expérience de leurs luttes. Cela implique au sein du Parti (et cela vaut évidemment pour tout le mouvement syndical) un maximum de démocratie. Cependant, le mouvement socialiste a à combattre ; aussi faut-il que la démocratie coexiste avec une centralisation suffisante de l’action et avec une discipline sans laquelle aucune action concertée n’est possible. Mais la centralisation et la discipline ne peuvent se concevoir que sur la base de la démocratie la plus large (...) On voit que la démocratie prônée par Rosa Luxembourg (...) est une des conditions sine qua non de l’efficacité de la lutte de classe prolétarienne et de l’orientation socialiste de cette lutte.
Puisque cette lutte ne peut devenir plus efficace et prendre une orientation socialiste de plus en plus consciente que proportionnellement au développement intellectuel des travailleurs, et que ce développement intellectuel a pour condition la liberté de critique et de discussion la plus large, la démocratie s’avère être la base indispensable de l’organisation socialiste(...)"
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