mardi 22 mai 2007

NOUS RENDRE CINGLES....


Je jette un oeil au Grand Journal de Canal +, édition Cannes 2007.

Bon, Bernard Thibault a beau en avoir monté les marches, et Michael Moore, y a voir présenté son dernier brulôt contre le système de soins aux US, Cannes, ce n'est toujours pas le Forum social, c'est sûr...

Une autre preuve? Le non-lieu pour les policiers qui s'en sont pris à un journaliste lors du festival 2004...

Est-ce parce que je vieillis que le faste et les paillettes me font moins sourire?

Que j'ai moins de patience avec les errements supra égotiques d'un Delon (que j'ai pourtant revu hier soir avec la magnifique Romy dans "La piscine") qui affiche un "STAR" de 24 carats au revers de sa veste,et en profite pour tripoter aimablement la jeune femme qui l'accom-potiche-pagne?

Est-ce parce que ce matin j'entendais rappeler que plus de 6,5 millions de français,dont plus d'1,2 millions d'enfants, vivent en dessous du seuil de pauvreté que tout cela me paraît de plus en plus indécent?

J'ai l'impression d'être face à la perruque de Louis XIV - une majesté de façade devant laquelle on s'incline mais qui masque une crasse grouillante de vermine. Le Roi pue, vive le Roi. "Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark" et pas qu'au royaume du Danemark...

Parenthèse: j'avoue cependant être toujours sensible à la beauté de certaines femmes, par exemple, celles qui montent les marches du Palais des Festivals (celles que je croise dans le métro aussi, mais là, nous sommes à Cannes).

C'est vrai, la beauté, c'est une vraie injustice pour les laides, celles qui n'ont pas eu la chance de naître belles. Ce n'est pas une question de mérite ou de travail. C'est du bol.
Mais c'est la seule injustice que je supporte parce qu'elle transcende les classes sociales et le fric, parce que même, elle leur fait la nique, même si l'on se sert d'elle pour en gagner davantage.
Belle, on l'est ou on ne l'est pas. Que l'on s'appelle Angelina Jolie (dont le regard de fauve aux aguets est véritablement hypnotisant) ou Fatoumata Dupont, guichetière à La Poste, on "l'a" ou pas.
Mise en valeur par les fleurons de l'industrie cosmétique ou pas.
Couverte de diamants ou pas.

Mettre en valeur la beauté des femmes, (et celle des hommes bien sûr, mais je parle des femmes parce que j'en suis une), et le refus du marketing de cette beauté, anonyme ou pas, devrait être un des objectifs du communisme.

Flash publicité au milieu de tout cela.
Une pub pour des crèmes glacées. Pleines de gras, de cholesterol et de sucres, évidemment.Très alléchantes. Avec en pied de page un insert "Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé - mangerbouger.fr" !!!!

Ca m'a donné envie de me griller une bonne clope tout ça - "Fumer tue"...

Alors, mange des glaces, mais fais gaffe sinon tu vas finir obèse et malade (évidemment, on reprend une bonne couche de culpabilité en entrapercevant au plan suivant le corps de sylphide du mannequin qui sert de faire valoir à Alain Delon) - et fume puisque tu as le droit d'acheter ta drogue en vente libre, mais fais gaffe, ça tue...

Consomme, puisque cela te fait vivre, mais cela te fera crever. Merci à l'implacable système de la double contrainte morale, érigé par la société de consommation (enfant terrible du capitalisme) en règle absolue (puisque cela fait consommer deux fois plus)...

Par chance, ce soir, Denisot m'a évité BHL et a préféré Diam's. Tant mieux, je n'aurai pas supporté le BHV qui lave plus blanc que blanc. Une jolie femme aussi Diam's - mais se rend-t-elle compte de la contradiction dans laquelle nous nous débattons tous, nous qui ne faisons pas (encore) partie des 7 millions de pauvres, lorsqu'elle se réjouit (et c'est sans doute bien pour elle, en effet) d'avoir vendu plus d'un million d'albums, alors qu'elle vient de faire une ode à "l'amour vrai" ( "Dans ma bulle") mais qu'elle donne à plein dans le système?

Quelle déprime ce début de soirée!


Heureusement donc, il y a les belles femmes ( mais comme j'aimerais que la merchandisation de leur image cesse pour nous permettre de les regarder mieux et jouir ainsi calmement de la contemplation de leurs mystères, sans être pollué par de faux impératifs), les belles lettres, les belles musiques, les beaux films...

(D'ailleurs, je viens de mettre "Casta diva" par la Callas,dans la " Norma" de Bellini...)

Et de temps en temps, il reste l'amour, et l'envie, encore, même ténue, même infime, d'un autre monde, l'envie de changer le monde, une envie qui bruisse comme le frôlement d'une jupe sur un bas de soie...

Même si pour l'instant, nous passons le plus clair de nos vies écartelés entre nos envies d'ailleurs et notre contingence du vivre-ici, entre notre désir de rendre le monde meilleur et la difficulté à agir pour cela, même si ce déchirement permanent peut nous rendre cinglés, nous ne devons pas oublier ce qui peut, ce qui doit guider nos pas - la fraternité, l'amour, la beauté, le plaisir.

12 commentaires:

Anonyme a dit…

Vendre du reve...
Et meme si le reve en valait le coup, il n'en resterait pas moins la transaction.

Delon n'en finit plus de représenter ce reve monnaié et péripathétique...

Du temps de "la piscine", il était encore un grand acteur.
Sa beauté - ce "coup de bol" de la nature, comme tu le dis justement, la Louve... - ne desservait pas son talent: elle le sublimait en surface.

Mais Delon n'a pas attendu de vieillir pour faire de la merde (et en devenir une fameuse et fumante).

Et si la contradiction était ce qui mieux résume la nature humaine?
Et si Diam's avait raison de doublediscourser sans s'en apercevoir (meme si cela m'étonnerait)?

Et si je te disais qu'on peut etre marxiste et kiffer le Popper (non, pas la came qui dilate les sphincters, mais le camelot qui éclaire les jusqu'au doutistes...), la Louve?

Houlà, faut que j'arrete de branler les fréquences de toms et hi-hats pour ce soir, moi...
;D

bizs

Brunz

@Caius a dit…

"Mettre en valeur la beauté des femmes, (et celle des hommes bien sûr, mais je parle des femmes parce que j'en suis une), et le refus du marketing de cette beauté, anonyme ou pas, devrait être un des objectifs du communisme."

Spontanément je suis d'accord avec cette phrase néanmoins je préfèrerais dire "droit à la beauté pour toutes et tous!"

Car la beauté personnelle ce n'est pas simplement la faute à "pas de chance". Bien sur il y a des personnes plastiquement et exceptionnellement réussies, selon les canon de beauté de l'époque dans laquelle elle vivent, pourtant un rapide sondage permettrait de voir comment la "beauté" est très inégalitaire ment répartie selon la catégorie sociale.
De voir aussi comment dans une société qui rend fou, des jeunes filles sont "torturées" par leur mère qui leur empêche toute expression de leur féminité, tout droit à leur beauté, aussi comment les femmes belles et intelligente sont littéralement persécutée socialement et professionnellement, comment toute trace de vieillissement est traité comme une laideur insupportable.

Donc un droit à la beauté à conquérir...et aussi conquérir le droit à SA beauté, pas celle des magazine, des mannequins anorexiques...

Alors d'accord pour rompre avec la conception communisto-janséniste qui fait croire que l'expression du désir d'être belle (ou beau)est l'expression d'une légèreté très petite-bourgeoise (même si cela l'est souvent) :
non! nous sommes beaux parce que nous sommes révolutionnaires ;-)

SAd___ a dit…

Quelle solitude
Dans la lettre qu'écrit à son aimée
Le veuf l'inconsolé.

Osemy a dit…

@ caius: Bonsoir Caius!

"Donc un droit à la beauté à conquérir...et aussi conquérir le droit à SA beauté, pas celle des magazine, des mannequins anorexiques..."
Oui, c'est bien reformulé; je mettrais un bémol: quid si l'anorexie, c'est ce dont on a envie? - croire que l'anorexie n'est que la tentative de reproduction d'une maigreur de magazine c'est un peu court même si cela existe - il y a aussi la terrible anorexie mentale,celle qui est une forme d'ascèse moderne, (qu'on refuse de voir ainsi pour des tas de raisons, notamment "sanitaristes") qui confronte les jeunes femmes (en majorité) dans leur corps à la recherche d'un phallus hypothétique
que tout nous pousse à désirer posséder aujourd'hui - "sois fort, sois beau, sois puissant,sois riche, controle ton corps et ton esprit". Que proposer comme échapatoire non morbide à ces jeunes gens qui se torturent pour se faire jouir des synapses?
Quand je travaillais avec les anorexiques dans les hôpitaux, j'ai pensé introduire les mathématiques et la philosophie pour endiguer le "déraillement" de ces esprits souvent très fins et très exigeants - ça marchait pas mal, mais ce n'était pas une méthode "académique"...

"Alors d'accord pour rompre avec la conception communisto-janséniste qui fait croire que l'expression du désir d'être belle (ou beau)est l'expression d'une légèreté très petite-bourgeoise (même si cela l'est souvent) :
non! nous sommes beaux parce que nous sommes révolutionnaires ;-) "

Là, d'accord avec toi à 100 % ... sauf sur ta retenue, (ta petite censure personnelle?) ;-), dans cette envolée, sur le désir d'être beau qui serait "souvent" l'expression d'une "légèreté très petit-bourgeois" -- ah bon? pourquoi? être communiste ça veut dire être lourd et pesant? ce qui est léger n'est pas sérieux? ce qui n'est pas sérieux est petit-bourgeois? J'avoue que ça, c'est une philosophie que je ne maîtrise pas - ce tropsime janséno-communiste - peux tu éclairer ma lanterne stp et m'expliquer ce qui sous tend ce raisonnement?A plus tard Caius!

Anonyme a dit…

Beauté et révolte

de Albert Camus

"L’enfer n’a qu’un temps, la vie recommence un jour. L’histoire a peut être une fin ; notre tâche pourtant n’est pas de la terminer, mais de la créer, à l’image de ce que désormais nous savons vrai.

L’art, du moins, nous apprend que l’homme ne se résume pas seulement à l’histoire et qu’il trouve aussi une raison d’être dans l’ordre de la nature.

Le grand Pan, pour lui, n’est pas mort. Sa révolte la plus instinctive, en même temps qu’elle affirme al valeur, la dignité, commune à tous, revendique obstinément, pour en assouvir sa faim d’unité, une part intacte du réel dont le nom est la beauté. on peut refuser toute l’histoire et s’accorder pourtant au monde des étoiles et de la mer.

Les révoltés qui veulent ignorer la nature et la beauté se condamnent à exiler de l’histoire qu’ils veulent faire la dignité du travail et de l’être. Tous les grands réformateurs essaient de bâtir dans l’histoire ce que Shakespeare, Cervantès, Molière, Tolstoï ont su créer : un monde toujours prêt à assouvir la faim de liberté et de dignité qui est au coeur de chaque homme. La beauté, sans doute, ne fait pas les révolutions.

Mais un jour vient où les révolutions ont besoin d’elle. Sa règle qui conteste le réel en même temps qu’elle lui donne sont unité est aussi celle de la révolte.

Peut-on, éternellement, refuser l’injustice sans cesser de saluer la nature de l’homme et la beauté du monde? Notre réponse st oui.

Cette morale, en même temps insoumise et fidèle, est en tout cas la seule à éclairer le chemin d’une révolution vraiment réaliste. en maintenant la beauté, nous préparons ce jour de renaissance où la civilisation mettra au centre de sa réflexion, loin des principes formels et des valeurs dégradées de l’histoire, cette vertu vivante qui fonde la commune dignité du monde et de l’homme, et que nous avons maintenant à définir en fade d’un monde qui l’insulte".

L’homme révolté, Folio, p. 344-345.

Osemy a dit…

@Sad: Sad, je ne sais pas ce que tu manges en ce moment mais tu es triste!
Et manifestement on ne peut rien faire pour te changer les iées?
Allez, fais un sourire

Osemy a dit…

@ZZZzzzZZZ:
Très belle citation. Belle parce que "pile/ poil" accordée au propos, et belle parce que juste et que Camus a si bien écrit...
"Les révoltés qui veulent ignorer la nature et la beauté se condamnent à exiler de l’histoire qu’ils veulent faire la dignité du travail et de l’être."

Tiens, ça me donne envie de broder sur un thème: révolte/révolution, révolté/révolutionnaire - voilà, ej vais faire ça et je vais ouvrir un atelier de broderie philosophique. C'est décidé et ce sera disons tous les mercedis...

A bon entendeur...

@Caius a dit…

ah bon? pourquoi? être communiste ça veut dire être lourd et pesant? ce qui est léger n'est pas sérieux? ce qui n'est pas sérieux est petit-bourgeois? J'avoue que ça, c'est une philosophie que je ne maîtrise pas - ce tropsime janséno-communiste - peux tu éclairer ma lanterne stp et m'expliquer ce qui sous tend ce raisonnement?

Bonjour Osémy
bon je vais essayer de mettre mes idées au clair
Il faut avouer que traditionnellement dans la gauche (pas seulement les communistes) on aime bien les gros raisonnement bien pesants, bien sérieux et que le sens de l'humour (du moins sur sa pratique et pensée politique) n'est pas vraiment ce qu'il y a de plus partagés chez les militants ( (en particulier à gauche...). Comme disait Saint Just "La révolution est glacée".


La beauté donc.
Le problème c'est qu'il ne s'agit pas seulement du "désir d'être beau", mais aujourd'hui c'est : "beauté obligatoire". Car ce qui manquait à mon "droit à la beauté" c'est surtout le droit de n'être pas "beau"(au sens plastique), droit qui me parait bien plus radicalement refusé que l'autre. Et c'est cette recherche effrénée de la seule beauté narcissique qui nous rend cinglés...
Alors oui le narcissisme névrotique contemporain est bien une expression contemporaine des "classes moyennes" social démocratisée.

Par contre tu as raison sur la "légèreté", d'ailleurs mon expression n'était pas dénuée d'ironie... car comme je le disais , à gauche, on manque un peu trop de légèreté, trop souvent confondu avec superficialité et paresse intellectuelle,de manque de sérieux...

Mais contrairement à ce que j'ai dit la légèreté n'a rien de petit bourgeois mais est au contraire profondément aristocratique : tout ce qui est pesant, lourd, laborieux est renvoyé du côté vil et populaire cependant que ce qui est léger, aérien, sans effort est du côté de la beauté et de la noblesse

c'est la "désinvolture" la sprezzatura de Castiglione :
"Mais j'ai déjà souvent réfléchi sur l'origine de cette grâce et, si on laisse de côté ceux qui la tiennent de la faveur du ciel, je trouve qu'il y a une règle très universelle, qui me semble valoir plus que tout autre sur ce point pour toutes les choses humaines que l'on fait et que l'on dit, c'est qu'il faut fuir, autant qu'il est possible, comme un écueil très acéré et dangereux, l'affectation, et pour employer peut-être un mot nouveau, faire preuve en toute chose d'une certaine désinvolture (una certa sprezzatura), qui cache l'art et qui montre que ce que l'on a fait et dit est venu sans peine et presque sans y penser."
Baldassar Castiglione - Le Livre du Courtisan

Après tout ça je me demande si j'ai bien répondu à ton interpellation... Pas sûr :/

Osemy a dit…

@caius: ok, je note tout ça ...nous en reparlerons sans doute! après ça, je pense que ma proposition d'atelier de broderie philosophique, (légère ET légère)sera vue comme non-orthodoxe ;-) et bien ce n'est pas grave... (l'orthodoxie et moi ça fait deux en général et je n'aime rien moins que les "doxosophes" comme les appelait Bourdieu) fraternellement

Anonyme a dit…

Bonjour Osemy
Je vais encore me répèter mais là pas seulement en tant que camarade : ça fait du bien de vous lire en tant que pauvre mec pas très apprécié des femmes mais qui pourtant aime la beauté, et pas selement celle des femmes.

La beauté, j'en vois un peu partout et pour moi aussi ça n'a rien à voir avec un regard de classe.

et de vous lire faire cette défense là en tant que femme, et en tant que camarade, apporte un peu de joie à ma tristesse de solitaire.

j'avais écrits quelques part que je souhaitais qu'on aprenne aux hommes à danser comme des fleurs : ben d'une certaine façon, c'est une réponse au soupçon de légèreté que l'on peut selon certaine morale "un peu" viriles et puritaines donner à l'attrait pour la beauté.

La beauté c'est pas seulement un truc de marketing et de rêve : c'est aussi l'expression d'une force de bien être et je pense que c'est ce qui fait se rejoindre certaines personnes, très expressive de façon naturelle de leur beauté, et les fleurs ou plus largement, la plupart des animaux en éclatante bonne santé...

Alors le "droit" à la beauté, c'est une question de droit à la santé, à la qualité de vivre qui ouvre et permet la conscience d'une qualité de se sentir...

Enfin, peut-être, hein, parce que moi ce qu j'en dis, c'est un truc de vieux chnoc qui fait encore son cross pour pas prendre de bide et se sentir pas trop mal dans ses pompes...

Mais d'une autre façon, quand on regarde l'innommable et son gouvernement, ils n'ont pas du tout l'air beaux et on les soupçonne d'être malsains d'esprit comme de corps...

Bon là, vous allez peut-être me soupçonner d'être partial... non, non, c'est une réalité... si, si...

Bonne continuation Osémy et merci pour cette page qui remonte le moral
Paul

SAd___ a dit…

Merci zzzz (je t'appel "Top", ainsi je ne prendrai plus le risque d'oblitérer ton nom ;-)
Merci donc, pour ce beau texte de ce bon Camus.
J'ai plein de bouquin à acheter (me faira t-on un prix de gros ?)!

Bises à tous

Osemy a dit…

@ Paul: Bonjour Paul et bienvenue sur ce blog!
J'espère que tu t'y sentiras chez toi e tque tu n'héisteras pas à intervenir
Fraternellement
Osémy