mardi 30 juin 2009

Quand la classe ouvrière refera de la politique, elle reconstruira son salut



J'ai eu la chance il y a peu de temps de pouvoir lire un livre malheureusement épuisé qui a été écrit par un certain Charles Hoareau paru aux éditions Messidor VO Éditions en1992, et qui s'appelle "LA CIOTAT - CHRONIQUE D'UNE RÉBELLION" (pour celles et ceux qui peuvent encore le trouver, je le recommande vivement).

C'est un très beau livre, et pour ceux qui avaient encore du lait au bout du nez - comme moi - au moment des luttes des chantiers navals de la Ciotat, et des créations des premiers comités chômeurs, une vraie leçon d'histoire ouvrière qu'on ne nous donnera plus nulle part.

C'est un livre extrêmement intéressant d'un point de vue politique notamment.

Ça m' a confirmé une intuition que j'ai depuis pas mal de temps: il y a plusieurs manières de "faire de la politique".

Mais surtout, la bataille politique (la bataille des idées et de l'expression de ces idées), et la solidarité prolétarienne internationale, sont indéniablement les deux mamelles des luttes de la classe prolétarienne.

Il me semble que les réflexions de quelqu'un comme Elie Domota, les enseignements du mouvement du LKP, vont en ce même sens.

Alors il y a façon petit-bourgeois, on "fait de la politique" comme carrière , comme débouché naturel à Sciences Po, comme on va jouer au golf, ou skier à Avoriaz...

C'est une carrière comme une autre, quand on a loupé médecine, ou qu'on n'est pas un grand avocat ou un grand journaliste ("grand" ici veut dire surtout bien sûr riche et reconnu par la bourgeoisie).

Une carrière personnelle et individualiste, où on réserve comme seul rôle politique au prolétariat largement entendu de mettre un bulletin dans l'urne de temps en temps, en général "pour le moins pire", et de coller des affiches , y compris de partis dits "de la classe ouvrière".

C'est un système de délégation de pouvoir sans contrôle du délégant, en plus, qui ne peut pas décider d'interrompre le mandat donné, et sans information, ensuite ,de la classe délégante.

C'est une façon de faire de la politique qui transforme les partis en entreprises où on fait carrière.

Et qui amène forcément à reproduire dans les partis, y compris ouvriers, tous les travers de la démocratie bourgeoise, construite pour appuyer, développer et renforcer le capitalisme.

C'est cette manière là qui a la part belle dans notre société actuelle, en tout cas en France (il me semble, dans beaucoup de pays).

C'est celle qui nous amène invariablement plus de droite dure et de société capitaliste à chaque fois, parce qu'elle éloigne forcément toutes les organisations prétendant représenter la classe des travailleurs de la dite classe, et corrélativement, qui éloigne la dite classe de ce qui prétend être la politique.

C'est cette manière là qui dévie la lutte de classe politique, dans la société civile, dans des luttes partisanes et fractionnelles au sein des syndicats de salariés, qui n'ont qu'à souffrir amèrement de ces combats internes fratricides.

Et puis, à côté de ça, il y a une façon profondément prolétarienne et révolutionnaire qui consiste à faire de la politique comme on construit sa maison, comme on doit nourrir sa famille, comme on assure l'avenir de sa retraite...

c'est à dire par nécessité, par intérêt individuel direct et indirect, et par intérêt de classe aussi, et non pas par jeu, par "plaisir" pur.

Cette façon prolétarienne n'est pas "donnée", elle est à construire, dans le cadre bien particulier d'une société capitaliste, et c'est ce qui fait une des difficultés de nos luttes, il faut à la fois construire l'outil et en même temps, s'en servir.

Parce que l'on pense que les prolos sont la majorité de la société, et que, pourtant, la "démocratie" dont on a hérité de 1789 ne représente plus du tout les intérêts de cette majorité, mais une minorité de nantis et de bourgeois, et que l'on sait que l'on doit participer activement tous ensemble, si on veut sauver sa, notre, peau.

Parce que l'on pense que si on ne se frotte pas à la politique comme organisation et moyen de pouvoir d'une classe, d'une société où domine de fait cette classe, tout ce qui est arraché d'une main à la bourgeoisie par la lutte de classe de terrain est invariablement repris d'une autre main par la même bourgeoisie, au travers des impôts, des lois, des décisions stratégiques...

De cette façon là, on pense que la politique est un prolongement de la lutte des classes qui se déroule à l'usine, au bureau, au magasin, à l'ANPE ( pardon "pôle emploi") à la caisse de retraite...Pour reprendre de nombreux exemples cités dans le livre sur La Ciotat, dans les comités de quartiers, dans les résistances face aux saisies d'huissier aussi.

La politique, telle que nous devons la créer, pour nous, c'est un prolongement nécessaire de la lutte de classe à l'usine ou au bureau.

Un prolongement sans lequel les luttes menées pour arracher des salaires meilleurs, des conditions de travail meilleures, revient souvent à construire un château de carte sur un sable mouvant.

Bien-sûr, quand je dis "une façon prolétarienne" et "une façon petit bourgeois" elle ne tient pas à la nature des personnes, mais à la pratique, aux méthodes et aux objectifs.

Car il arrive( de plus en plus souvent) que des anciens prolos "vendent leur âme au diable" et s'institutionnalisent dans des partis qui deviennent progressivement des partis petits bourgeois ( le déclin du PCF ces deux dernières décennies en est une bonne illustration - mais il n' ya pas que cela et il faudrait une longue étude pour en parler), et que, au contraire, des petits-bourgeois adoptent une manière et une lutte profondément prolétarienne et révolutionnaire.

Bref.

Si on voit la politique comme ce prolongement nécessaire de la lutte de classe sur le lieu de travail, pour organiser la vie en société "dans la cité", on ne peut qu'y prendre part quand on est salarié, actif ou pas.

Non plus en adhérant nécessairement à des partis, qui s'ils ont été à une époque des moyens en effet à la lutte de classe du prolétariat, ont aujourd'hui presque tout renié (il n'y a qu'à compter les salariés actifs, notamment du privé, qui deviennent en effet député ou sénateur ou dirigeant national de ces partis...).

Non pas, non plus, en tournant le dos radicalement à toute forme de politique.

Mais en se faisant soi même sujet politique actif.

En commençant par décider à titre individuel que nous devons devenir souverain.


Mais en s'organisant, même seulement localement, même en petit nombre, - y compris "en liaison" (mais en indépendance) avec ces "vieux" partis - , mais non pas pour "recréer" un énième parti qui sera au fond calqué sur tous les autres qui existent déjà.

Non.

En s'organisant pour recommencer à créer de l'avenir politique pour le prolétariat, en créant des groupes dont principalement l'objet va être double à savoir réfléchir analyser proposer, dans le but de construire un nouveau projet politique, c'est à dire un nouveau projet de société, et puis, deuxièmement, pour agir en conséquence.

Toute miette de construction politique autonome et de projet de société alternative arrachée à la bourgeoisie et à ses soutiens objectifs est bonne à prendre si elle va dans le sens d'une démocratie réelle.

La politique aujourd'hui c'est avant tout, pour nous, prolétaires, de se rapproprier le droit à la parole et à la proposition sur des tas de sujets qui sortent directement du cadre strict de la lutte de classe en entreprise, mais qui en sont le soutien, le rempart nécessaire.

Ne plus avoir peur de s'inviter aux réunion de partis, d'associations, ne plus avoir peur de prendre la parole devant des soi disant élites, de demander des comptes, de monter sur une caisse dans un parc ou sur une place pour dire tout haut à nos semblables ce que des années de lutte nous ont enseigné.

Ne pas rester dans son coin - même seulement à deux ou trois c'est mieux que tout-e seul-e.

Ne plus s'auto censurer.

Ne pas avoir peur d'écrire et de participer, en se disant qu'on n'écrit pas assez bien français, en se disant qu'on ne connaît pas assez de choses, qu'on n'a pas sa place, pas le droit...

Faire de la politique, pour la classe ouvrière, en luttant contre ce qu'on nous propose aujourd'hui comme seule façon de faire de la politique et qui nous dégoûtre manifestement toutes et tous (60 % d'abstention aux dernières européennes, 40 % d'abstention aux municipales d'Hénin Beaumont...), en luttant contre la propriété privée des moyens de production, en inventant de nouvelles formes de gouvernement par le peuple et pour le peuple, en construisant une nouvelle démocratie, une réelle souveraineté du peuple et notamment de la classe prolétaire, c'est retrouver le chemin de notre dignité et aller vers plus de bonheur.

Quand la classe ouvrière largement entendue refera de la politique, dans ce sens qui lui est propre, pour créer un nouveau projet de société qui réponde à ses intérêts à elle, elle reconstruira progressivement son salut.

D'ici là, elle se condamne à ce que tout ce qu'elle arrache comme victoires d'étapes lui soit implacablement repris, et même plus, par la bourgeoisie.

Le rôle de tout communiste devrait donc être, avant tout, de permettre, par tous moyens, (réformes, organisations de débats publics, soutiens aux révoltes locales...) à ses frères et sœurs prolétaires de s'exprimer, d'obtenir des nouveaux moyens de lutte politique, de faire naître ses idées, de s'organiser, pour que tous les moyens puissent être saisis valablement, et aussi, d'acquérir les connaissances fondamentales aussi qui permettront d'améliorer ainsi le travail entrepris par chacun pour soi en tant que représentant d'une classe...


La bourgeoisie , les propriétaires des capitaux, du Capital, leurs sbirres inféodés, ils doivent nous craindre et nous redouter.

Et pour cela, leur extorquer à la force de plusieurs semaines de grèves, quelques dizaines de milliers d'euros, même si c'est bon car ça évite aux prolos de crever, et que de toute façon c'est un minimum de ce qui nosu est dû, ce n'est plus suffisant car ils intègrent parfaitement ces perspectives dans leurs coûts sans que cela entame de beaucoup leurs profits.

La seule manière de nous faire respecter c'est d'aller faire irruption sur "leur" terrain, ou plutôt celui qu'ils nous ont confisqué, celui de la politique, de la parole publique, c'est de témoigner et de mettre en oeuvre la volonté de devenir SOUVERAINS A LEUR PLACE.

La Louve

http://osemy.blogspot.com

1 commentaire:

François a dit…

Salut Elodie,

Ton texte est bien,comme d'hab.,mais ta proposition me laisse,pour le moins, dubitatif.

Pour la dénonciation des "appareils" politiques et syndicaux,des "carrièristes",des petits bourgeois etc...On est parfaitement d'accord.De même que l'on est d'accord sur la bataille des idées et de leur expression, et la solidarité prolétarienne internationale.

Comme beaucoup de gens je m'aperçois que ,de plus en plus,le prolétariat se "dépolitise"et que l'individualisme se renforce parallèlement.Mais pourquoi?

1)parce qu'il y a de moins en moins de gens qui travaillent,donc de moins en moins de syndicalistes pour pousser les gens à se politiser(même pour les non syndiqués.)

2)il y a de moins en moins de "concentrations ouvrière",comme,par exemple,Renault-Billancourt qui faisait travailler 50 000 personnes.Il y a de moins en moins de grosses boîtes (sidérurgie,métallurgie...etc..),sans oublier,bien sûr les fonctionnaires que le gvt bousille par milliers.

3)puis il y a les trahisons répétées des dirigeants politiques et syndicaux qui dégoûtent la classe ouvrière;la dernière manifestation nationale a donné un exemple frappant de la puissance des syndicats à briser un mouvement dans lequel,la fois d'avant,on comptait trois millions de manifestants !! Bande de fumiers,je les méprise.

4)l'absence du grand Parti qu'était le PCF et qui maintenait une certaine politisation dans les masses laborieuses.

Tout cela confine à une société à l'américaine dans laquelle la majorité des gens,formatée de la sorte,s'intéresse à des conneries du genre M.Jackson,le cancer de Farawo et des fesses des pipols.Pendant ce temps là ils ne font pas de politique,ils ne sont pas gênants.Et c'est savamment entretenu par la bourgeoisie de même que les putains de religions.

Bien sûr,il faut que chacun prenne conscience,écrive,se batte,s'intéresse à la politique.Bien évidemment,mais comment? Il n'y a pas de miracle.Il faut organiser cette prise de conscience avec un outil à disposition du prolétariat et,cet outil,que tu la veuilles ou non,s'appelle le Parti révolutionnaire anti-capitaliste (je ne parle pas du NPA)qui reste à construire.

Tu vas dire:comment?Avec quoi?Sur quelles bases?

Réponse:je n'en sais rien! Mais il faut le faire et vite car le facisme est en train de gangrener la France et ses habitants.Il y a même des gens qui troquent l'UMP et la fausse gauche contre le FN ;ils sont complètement paumés (Hénin Beaumont)

Ta réflexion est juste mais rien ne se fera sans passer par les organismes tels syndicats et Partis.On en a besoin pour faire descendre les gens dans la rue et faire un grand,voire énorme mouvement de foule qui permettra de gonfler les rangs du Parti et de penser enfin à la révolution.

Fraternellement à toustes

François.

PS: il y a longtemps que j'y pense mais j'oublie à chaque fois.Alors cette fois-ci je te le dis:un grand merci pour le monde diplo.en ligne,c'est super.