dimanche 29 mars 2009

On ne sortira pas de nos chaînes en luttant contre l’U. E. par la voie souverainiste, mais en imposant le peuple comme sujet politique marxiste! (I)



Je vais publier ici un petit essai sur l'UE, la nation, le peuple , la souveraineté...Je le publierai en plusieurs parties car c'est un peu long - il est disponible intégralement en .doc à l'adresse mail du blog...

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(Etat, nation, peuple, souveraineté, république, Union Européenne, internationalisme).

La période actuelle est propice (et pas seulement pour des raisons liées à l’approche des élections au Parlement de l’Union Européenne) à rebattre les cartes politiques et à initier un mouvement de renaissance de la philosophie politique marxienne.

En d’autres termes, cette période de crise du capitalisme est le moment idéal pour nous communistes pour recommencer à souffler un peu de vie dans le cadavre de la philosophie politique de Marx.

On entend et on lit beaucoup de choses sur ce sujet global ( Union Européenne, nation, Etat etc.) notamment chez les communistes, des choses plus ou moins heureuses, plus ou moins pertinentes, mais malheureusement, en tout cas, à mon goût, on ne trouve actuellement que très peu de tentatives de faire revivre cette philosophie politique, cette théorie de l’Etat (oui je sais que cette expression va en crisper certains, mais je vais m’en expliquer), Etat qui doit être « détruit » ou « aboli », particulière en germe chez Marx.

Mais il y a en tout cas, et quelles que soient les critiques que je vais apporter ensuite à ces réflexions, la manifestation d’un très fort désir chez de nombreux communistes de refaire vraiment de la politique, et cela est extrêmement positif et encourageant.

Ma critique sera donc une critique amicale, sans concession, mais en tout cas, pleine d’optimisme, pour que nous continuions toutes et tous à pousser dans le sens de d’une réappropriation de la pensée politique par les marxistes, et notamment par les communistes.

D’ailleurs, ce qui m’a « inspirée » récemment à écrire de nouveau sur ce sujet qui me fascine et me tient à cœur, c’est notamment la lecture de quelques textes publiés par des camarades[1] sur ce même thème, ainsi que les nombreux échanges (parfois même très violents) que j’ai depuis longtemps sur ces sujets avec plusieurs camarades, communistes ou anarchistes, d’où qu’ils viennent.

Ce n’est pas un « scoop » pour les quelques-uns qui me lisent depuis assez longtemps, je milite pour l’abandon de la référence par nous, communistes, à la nation et à l’indépendance nationale comme « alpha et oméga » de notre lutte politique contre l’Union Européenne. Je milite aussi pour le remplacement de ces concepts par celui de souveraineté populaire. Non par coquetterie, pour imposer une vue prétendant qu’elle est originale et que cela seul justifie qu’elle soit débattue, mais bien parce que je pense que c’est une condition fondamentale du renouveau de notre lutte. Je vais donc revenir à nouveau sur ce point, crucial je pense, en essayant d’être encore plus claire, encore plus précise dans ma démonstration.

1. Nos difficultés théoriques viennent d’une mauvaise analyse de l’Union Européenne comme objet politique.



Et si une de nos difficultés théoriques (et consécutivement, pratique) à conceptualiser la relation internationalisme/nation / Union Européenne, venait en grande partie d'une mauvaise analyse politico-juridique de ce qu'est l'Union Européenne?

Le postulat en vigueur chez de nombreux communistes sur cette question est le suivant :
l’Union Européenne, objet politique supranational, serait opposée, contraire, à "nation et indépendance nationale" et donc, à la souveraineté populaire à cause de la prétendue perte d’indépendance nationale (ce qui est important c’est le lien consubstantiel établi entre tous ces éléments dans ce postulat).


Ce postulat- là, fondamental dans la critique communiste française de l’Union Européenne, je le conteste.

Cela ne signifie pas qu'il n' y a pas un problème d'indépendance de « quelqu’un » « quelque part », il y en a même un très gros, mais pas d'où on pense, je m'explique....


Il faudrait être précis d'abord, pour avoir une analyse scientifique de la question et donc, une analyse qui tienne peut être un peu plus la route.


La supra nationalité qu'on prête, avec raison, à l'Union Européenne, ne peut exister que là où il y a encore nation et souveraineté ; elle ne peut exister que dans un cadre de type fédéral, fédéraliste ou « confédéral ».


C’est à dire, dans un cadre à l’opposé de "notre "conception jacobine traditionnelle en France, où prévaut l'Etat unitaire et centralisé comme nécessité politique absolue.

Ce « fédéralisme », c'était, peut on dire, le projet Girondin entre 1791 et 1793. C'est ce qu'on connaît en Suisse, aux USA bien sur aussi. Je ne reviens pas sur le fédéralisme, le mouvement fédéraliste en Europe (fondé en partie par un ex- communiste italien – Altiero Spinelli - ne l'oublions pas).


Classiquement , en théorie constitutionnelle, voilà comment on définit un Etat fédéral

  • le principe de séparation : les compétences étatiques sont réparties entre gouvernement fédéral et gouvernements des États fédérés ;
  • le principe d'autonomie : chaque ordre de gouvernement est autonome, ou "souverain" dans son domaine de juridiction ;
  • le principe de participation : les entités fédérées sont représentées et participent aux décisions fédérales prises, souvent par le bicaméralisme au niveau de l'État fédéral. L'une des chambres représente alors les États fédérés.

Pour la confédération, c’est un peu différent, puisque, en résumé, c’est une association d’Etats indépendants qui ont, par simple traité, délégué l'exercice de certaines compétences à des organes communs destinés à coordonner leur politique dans un certain nombre de domaines, sans constituer cependant un nouvel État superposé aux États membres.

Quoi que traditionnellement vue comme une construction « sui generis », on peut soutenir également que l’Union Européenne emprunte à la fois au modèle fédéral et confédéral.

Mais en réalité le curseur entre les deux formes de rassemblements d’Etat se place ici notamment dans la marge de souveraineté et d’autonomie laissée aux Etats membres.

Pour le cadre fédéral, c'est cette histoire de principe d'autonomie qui est la plus intéressante pour notre débat en ce que l'autonomie est ENFERMEE dans un champ de compétences définies par une constitution fédérale donc supranationale. Mais l'autonomie c'est encore une part de souveraineté de la nation.


Ce cadre fédéral ou à vocation fédérative ou confédérative est ce que la fameuse constitution européenne (constitution = document politique par excellence) voulait parachever en 2005, en finissant par créer officiellement un sujet politique fédéral MAIS à vocation unitaire, c’est à dire, je le pense (et c’est pour cela notamment que je m’étais engagée en 2005 contre ce projet), pour finir à terme l’intégration européenne par un Etat-Nation unitaire.


J’ouvre une parenthèse pour dire que, malheureusement pour Trotski, donc, on peut dire que du point de vue de l’histoire des idées politiques marxistes, nous en sommes arrivés aujourd’hui à la démonstration par les faits de la justesse des critiques que Lénine adressait au projet de Trotski d’ « Etats-Unis d’Europe ». Cette idée politique, compte tenu des circonstances historiques où se trouvaient les forces communistes, ne pouvait être qu’une construction capitaliste, ou disons, plutôt, favorable au capitalisme, en gros.

Alors, cela posé, est ce que supra nationalité signifie nécessairement « perte d'indépendance nationale » ou « abandon d'indépendance nationale » des Etats qui constituent une entité fédérée ou confédérée?


Et bien non. Evidemment.


D'abord, parce que c'est volontairement que le souverain initial (l'Etat-Nation, et non le peuple) a abandonné, non pas sa souveraineté, mais une partie des prérogatives qui fondent sa souveraineté, au profit d'un autre Etat, qui est cette espèce d'Etat fédéral ou l’organisation régulant la confédération.


C'est un transfert de prérogatives, voire, d'une partie de souveraineté d'un Etat à un autre organisme, ce quel que soit le régime (monarchie/démocratie).


Donc, dire que l'Union Européenne est "anti nationale" de mon point de vue, c'est faux, ou disons que ce n’est pas une critique pertinente.


L’Union Européenne serait même complètement "pro nationale", jusqu'à nouvel ordre, en ce que ce que non seulement, elle ne reconnaît comme sujets de droit aptes à négocier des parcelles de souveraineté que les Etats en tant que la souveraineté y est nationale. Car c’est bien le lien entre tous les Etats intégrés – la souveraineté n’y est pas populaire. La plupart des Républiques qui s’y trouvent se nomment ainsi par abus de langage.


L’Union Européenne, quoi que prétendant reconnaître les peuples (dans une vision quasi-ethniciste et régionaliste), ne traite pas avec les peuples; encore moins avec le « peuple-classe » (plutôt ouvertement contre lui).

Elle traite avec les représentants des Etats « fédérés » dans l’Union Européenne.

C'est aussi pour ça que pour voter NON au projet de constitution européenne de 2005 nous nous sommes retrouvés, nous , communistes, en « compagnie » (très éloignée et involontaire) des fachos et souverainistes, bref de la droite dure, parce que le gros "hic" de la constitution d'inspiration giscardienne pour eux, c'était bien une tentative de METTRE UN TERME à cette reconnaissance par l'Union Européenne fédérative des nations et d'aller à terme vers un "Etat-nation européen", dont , à l’époque, ils ne voulaient pas (nous verrons que nécessité faisant force de loi ils y seront peut être bientôt de moins en moins opposés).

Je cite le Préambule de ce projet de constitution giscardienne par exemple:

"PERSUADÉS que les peuples d’Europe, tout en restant fiers de leur identité et de leur histoire nationale, sont résolus à dépasser leurs anciennes divisions et, unis d’une manière sans cesse plus étroite, à forger leur destin commun ».


Le Traité de Lisbonne, tout en conservant cette idée de citoyenneté européenne, cette idée qu’un jour peut être il faudra bien s’unir complètement, a abandonné une partie des agressions directes contenues dans le projet giscardien contre les souverainistes.

Raison pour laquelle contre le Traité de Lisbonne, contre le vote par le Parlement le 4 février 2008, on les a quand même beaucoup moins vus et entendus qu'en 2005....

Mais encore l’Union Européenne est profondément liée au fait national en ce qu’elle contient en germes comme projet politique la constitution d’un Etat-Nation Européen.

De mon point de vue l'Union Européenne serait non plus "supranationale" (ni même « impérialiste » en tout cas pas vis à vis des Etats qui la composent), mais clairement contre l'indépendance nationale comme on le lit partout, si elle n'avait accepté que des souverainetés populaires, pour se les agréger et qu'elle avait ainsi tendu à un Etat unitaire le même pour tous les peuples.


Or, on peut reprocher un milliard de choses à l'Union Européenne (la liste est trop longue je ne la fais pas d’autant que la plupart d’entre nous la connaissent), mais on n'est pas , de fait, actuellement, surtout avec l'échec du projet Giscard, dans une situation qui serait celle de l'Union Européenne comme tentative d'Etat unitaire, où là, oui, je serais à la rigueur d'accord pour parler de la nécessité de l'indépendance nationale pour protéger la souveraineté populaire des Etats nations. Peut être y allons-nous mais nous n’y sommes pas.

Toute la question vient ensuite de ce que nous communistes entendons par "peuple" et "souveraineté".

Pour conclure sur ce point, on pourrait dire que l’Union Européenne n’est pas contre la souveraineté nationale, mais bien contre la souveraineté populaire (en ce que le gros problème est qu’elle a verrouillé la parole des peuples dans les cadres nationaux et a permis aux gouvernements des Etats-Nations de confisquer la parole populaire). Elle est une construction politique profondément paradoxale et apparemment contradictoire, du fait même de l’existence de la Nation comme cadre des Etats, car elle tend à la fois à ne considérer que les Etats-Nations au détriment des peuples pour permettre in fine la construction d’un Etat-Nation européen dont les peuples ne veulent pas.

Apparemment contradictoire seulement, car en réalité tout est parfaitement logique dans cette construction politique des capitalistes pour le capitalisme. L’Etat-Nation européen est appelé à prendre la place des Etats-Nations participant à sa construction, de façon volontaire du point de vue de la légalité. (Pour la légitimé c’est une autre histoire).

C’est bien la présence d’Etat-Nation dans l’UE qui rend possible ce type de construction de cette façon. On voit bien avec les rares référendums qui ont eu lieu sur ce sujet dans certains pays que, quand les peuples sont correctement informés des tenants et des aboutissants de l’UE et des nouveaux traités ou projets constitutionnels, grâce à un engagement politique accru de certains partis et des militants, mais aussi grâce au développement de ce moyen de communication incroyable qu’est Internet, ils se prononcent invariablement contre. Avec des Républiques et des souverainetés populaires (réellement populaires) on n’aurait probablement pas eu d’UE. En tout cas, certainement pas celle-là.

Une fois posée que le postulat « supranationalité » = contraire à la souveraineté nationale, ou « UE = opposée à la nation » n’est pas exact, il faut attaquer, du point de vue de ce qu’on appelle l’ordre interne, la question, ici, en France.



[1] Par ex. la série inaugurée en 2005 par Charles Hoareau dans « Rouge-Midi »



Fin de la partie I. A suivre.

1 commentaire:

Mengneau Michel a dit…

En pensant à ton article, je me suis souvenu d'un passage du manuel, "les principes du Marxisme Léninisme" des édition du progrés et dont je ne peux donner la date, celle-ci étant en russe. Peu importe, voilà se passage de la page 142/

"Quels sont les traits caractéristiques de la Nation? Dans la littérature Marxiste, on entend habituellemen par nation une communauté humaine stabele, historiquement constituée, née sur la base de la communautée de langue, de territoire, de vie économique et de mentalité qui se traduit dans une communauté de culture.
La communauté nationale ne peut abolir les distinctions de classe. Au contraire, ces distinctions pénétrent toute la vie de la nation et la scinde en parties hostiles. La communauté nationnale n'exclut nullement l'antagonisme de classe, et si l'on n'en tient pas compte on ne peut comprendre convenablement le mouvement de classe lui-même."

Mais c'est la suite qui devient intéressante..

"Par ailleurs, la solidarité de classe déborde le cadre d'une nation détertminée."

Naturellement ensuite est fait un paralléle entre le prolétariat et les capitalistes, pour conclure que le cadre seul de la nation doit être dépassé pour le plan revendicatif. On peut donc conclure que le débat politique doit être essentiellement celui du "peuple classe", -puisque cette distinction élargie la notion de prolétariat.... et ceci hors nation.

Salut MIchel

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