lundi 22 septembre 2008

"Un fils de notre temps"



C'est hier soir que j'ai terminé la lecture de ce court roman d'Odön Von Horvarth "Un fils de notre temps".

Je l'ai littéralement dévoré et je vous le recommande chaudement. D'autant qu'il tombe pile poil avec l'un des sujets brûlants de ces dernières semaines, c'est à dire la guerre de la France en Afghanistan, et le contexte actuel.

Il s'agit de l'histoire d'un jeune homme, allemand, né dans les décombres de la Première guerre mondiale, issu d'une famille plutôt misérable, disons très pauvre. Orphelin de mère dès son plus jeune âge, il est élevé par son père, serveur dans un café, père qui semble lui courir franchement sur le bourrichon plus l'enfant grandit. Père qui semble (mais on n'est pas sûrs avec la demie-teinte, le "clair obscur", du roman) qui semble, donc, au début du roman, être socialiste, et en tout cas, en tant que lui-même sacrifié lors de la Première guerre, farouchement antimilitariste.

Le jeune homme est désœuvré, il n'a pas un sou, il n'a pas de qualification - son père, avec qui il se dispute fréquemment, refuse de l'aider - ; il glisse sur la pente du brigandage, doucement mais sûrement. Quand tout à coup lui vient une idée de "génie": l'armée. Il va s'engager dans l'armée.

De fait , son engagement en plein Anschluss (en tout cas, on le devine sous la plume d'Horvarth, qui quitte lui-même rapidement l'Allemagne en voie de nazification ) lui apporte la soupe, le coucher, le vêtement - ah son uniforme - et une forme de reconnaissance, un but, croit-il !

Et le jeune homme ( qui est comme un masque anonyme sans nom, sans particularité) le jeune homme donc, dont certains épisodes de la vie nous sont contés, devient ainsi rapidement un "bon soldat nazi". C'est à dire qu'il prend fait et cause pour l'idéologie nazie,il l'incorpore et l'incarne, cette idéologie dont Horvarth déroule parfaitement la psychologie, la construction. Horvarth comment bien le socialisme a été travesti, manipulé par les capitalistes d'extrême droite, pour embobiner leur monde...et notamment ces "fils de leur temps", nés de la guerre, grandis dans la haine et la misère , qui vécurent par la guerre et en moururent aussi.

(Je pense qu'en lisant ce livre, on ne peut pas s'empêcher de se questionner sur le "pourquoi" de la réussite de ce travestissement du socialisme, de la possibilité d'en avoir fait un instrument de domination des travailleurs et des citoyens, un moyen de ségrégation raciale,une justification au racisme et à l'antisémitisme, en Allemagne bien sûr, mais en Italie aussi, sous Mussolini)...

Son capitaine lui, qui incarne le figure "d'un autre monde" ( un monde où les soldats de métier se battaient pour défendre leurs patries et pouvaient se payer le luxe d'un certain code de l'honneur, toute proportion gardée, où peut être, les choses étaient plus simples, moins fallacieuses aussi), son capitaine se fait suicider sur le champ de bataille, dans un geste risqué délibéré, pour se faire délivrer de "sa mauvaise conscience" de ce qu'on devine être l'annexion des Sudettes, cette annexion qui sera travestie en "soutien aux forces révolutionnaires" , et qui dégoûte ce capitaine d'un "temps ancien".

Finalement blessé au champ de bataille, le jeune soldat, devenu inutile à sa mère patrie, se fait virer de l'armée, sans un sou, et un bras en moins.

La perte de ce bras, la lecture d'une lettre que son capitaine a laissé avant de mourir , et quelques évènements personnels qui se brodent sur cette trame fatale, signeront le début de sa prise de conscience...

Le retour contraint chez son père, passé du socialisme au national-socialisme, nazi médiocre mais toujours convaincu, lui sert de révélateur.

Mais comment?! Pourquoi son père parle t il de "nos combats"? Est ce qu'il y était lui, "là bas" - "Non je ne l'ai pas vu pourtant" se dit le jeune homme avec une ironie amère? Et le bras, est-ce lui qui l'a perdu?

Et finalement, finalement, qu'est ce que cela nous apporte, à "NOUS/JE", tout cela?

Il découvre avec horreur que tout ce dont il s'est laissé farcir la tête n'est que mensonge. Tromperie. Trahison. Il n'y a pas de "nous" possible sans respect des individus, du "je". Il n'y a pas de collectif possible sans respect de l'être humain, de sa vie ,de sa dignité.

Un auteur et un roman à lire, par exemple, après avoir lu "L'Homme sans qualité" de Robert Müsil, peinture autrichienne et magnifique des alentours de la Première guerre Mondiale, "mère de toutes les guerres modernes", de cette époque du début du 20ème siècle que l'historien Hobsbawm nomme avec raison "l'Age des extrêmes" ...

J'en profite enfin pour vous signaler un excellent site http://www.editions-zones.fr/ où , entre autre, le livre d'Hobsbawm sur "les bandits sociaux " est intégralement et gratuitement en ligne.

Bonne lecture!

Aucun commentaire: