jeudi 3 avril 2008

Ghassan KANAFANI (Palestine, 1936 - 1972)



"Pour faire la révolution, il ne suffit pas de haïr et de croire au passé. La haine et la foi dans le passé ne sont de bons stimulants que dans la phase de révolte. Si nous souhaitons mener à bien la révolution, nous devons aimer et nous tourner vers l’avenir ». (Ghassan Kanafani, poète, philosophe, auteur palestinien, assassiné en 1972 sans doute par les services secrets israéliens)

Extrait de 'La curiosité d'un enfant', texte disponible avec quelques autres sur marxists.org (français/nouveautés)

"Mon fils, oh avenir.

Hier je t’ai entendu dans la pièce d’à côté demander à ta mère « Est-ce que je suis palestinien, moi aussi ? ». Lorsqu’elle a dit « Oui », un silence pesant a englouti toute la maison. C’était comme si quelque chose suspendu au-dessus de nos têtes était tombé, dans un bruit d’explosion, puis était retombé, silencieux.

A la suite de cela, je n’ai pas cru mes oreilles, mais mes doigts, eux, je les ai cru. Je lisais lorsque j’ai senti le livre trembler dans mes mains. Non, tout était réel, de façon alarmante. Je t’ai entendu pleurer.

J’étais cloué là, incapable de bouger. Quelque chose qui me dépassait était en train de naître dans l’autre pièce, à travers tes sanglots ambigus. C’était comme si un scalpel sacré ouvrait ta poitrine et y déposait le cœur qui t’appartient.

Ta question planait toujours, au plafond, et j’en sentais les vibrations dans mes doigts tremblants. « Est-ce que je suis palestinien, moi aussi ? ». Puis le scalpel trancha, dans le mouvement rapide et précis du chirurgien aguerri: « Oui ». Puis le silence s’abattit, comme si quelque chose s’était passé, et je t’ai entendu pleurer.

J’étais incapable de bouger pour aller voir ce qui se passait dans l’autre pièce. Mais j’ai su, cependant, qu’une lointaine patrie renaissait, qu’une terre de prairies, de champs d’oliviers, de morts, d’étendards pliés et déchirés se frayait un chemin dans un avenir de chair et de sang, pour naître dans le cœur d’un autre enfant.

J’ai été saisi par le même sentiment ambigu qui m’a saisi il y a 5 ans, quand tu es né. Je me tenais là, debout, attendant que tu émerges de l’inconnu vers un autre inconnu. J’avais senti - en t’entendant venir au monde et pleurer d’une voix gémissante - que tu m’étais tombé sur les épaules et que tu m’ancrais plus fort encore dans la terre. (...)"

1 commentaire:

Anonyme a dit…

j ai fais suivre ce texte ceux qui sont plus que des camarades , la reaction est la meme....la force de l emotion est telle que plus rien ne peut sortir....
je n ai pas mis de commentaire sur bellaciao.
j ai bcp hesite avant d ecrire ici, je ne voulais pas "souiller " cette merveille.
mais j avais besoin de dire que le silence qui suit cet ecrit est celui de l admiration et de l emotion.visiblement ,je ne suis pas le seul...comme si personne n osait ecrire..
merci bcp ,bcp bcp .
Makhno