vendredi 22 février 2008

REMETTRE LA POLITIQUE A SA PLACE, ou LES COMMUNISTES ET LA VERTU


On entend souvent qu’il faudrait « rétablir le primat de la politique sur celui de l’économie ».

Certes, certes.

A supposer toutefois que le présupposé qui sous-tende cela (l’économie dirigerait ou aurait dirigé la politique) soit juste (ce qui est rien moins que sûr...).

Mais on entend moins souvent (pour ainsi dire, jamais), le corollaire nécessaire :

« Il faut rétablir le primat de l’Homme sur la politique ».

Difficile de ne pas se demander aujourd’hui si, au fond, le grand absent dans tout cela ce n’est pas « l’Homme ».

La politique, comme l’économie, comme la religion ou le syndicalisme même, ne devraient être que des « moyens ».

Des moyens de parvenir à un but, de tendre vers un objectif, qu’on appellerait « le bien commun », « le bien du plus grand nombre ».

Pour certains, cet horizon, c’est le communisme, pour d’autres il n’existe pas encore de « modèle » qui y ressemble, pour d’autres encore, c’est un capitalisme « géré », « humanisé »...

Le bien commun, le bien de l’Homme. Voilà l’horizon.

Il a pour nous une traduction différente que pour ceux qui pensent que la domination d’une classe sur une autre est un modèle acceptable.

Or, trop souvent aujourd’hui, politique, religion, économie, (trois formes à la fois d’analyse, de réflexion, d’action et d’organisation des luttes humaines de masse pour l’émancipation) ne sont considérées au pire que comme des moyens de pouvoir (d’y accéder, puis, de le maintenir) ou au moins pire, comme des fins en soi ( travers hérité de la professionnalisation des « hommes en politique », devenus politiciens – archétypes du capitalisme).

Il en va de même pour les élections et tout ce qui, de près ou de loin, touche la sphère de la politique, tout ces « sous-groupes » de moyens, de ficelles, plus ou moins grosses, pour arriver là où on veut.

En général, malheureusement, à un maroquin ou à un strapontin, voire, à la « fonction suprême ».

Parfois même, pour certains, on se contentera d’un petit grenouillage ridicule comme « adjoint d’adjoint d’adjoint » d’un conseil régional délégué à la question de la reproduction des crevettes en milieu péri-urbain, poste pour lequel on aura tué père et mère, mais...c’est vrai que pour les cloportes, le dessous de la pierre, c’est déjà l’horizon....

Ensuite, vous connaissez, le pouvoir, comme l’argent, corrompent tout, de manière quasi inéluctable, sauf à ce que de sérieux garde-fous aient été mis en place, pour protéger l’individu d’abord contre lui-même.

La politique, donc, et ses nombreux avatars (partis, élections, campagnes électorales, postes, gouvernements...) ne devrait être utilisée que comme moyen (et encore sans doute est-ce un parmi d’autres) pour changer le monde, changer la société, la rendre meilleure, soulager l’Homme.

Autrement dit, pas de « Que faire? » sans « Pourquoi le faire? ».

Aucun « parti », aucune organisation, qui doit, de près ou de loin, se confronter au pouvoir, n’est, par définition, exempt de ces travers, ni à l’abri de ces dérives que l’on constate quotidiennement, dramatiquement.

Ces dérives qui font que l’on réfléchit aux postes avant de songer au discours et à l’action communs.

Ces dérives, qui font que l’on vend sans scrupule, aux gens les plus malheureux, les plus essoufflés par la vie, du rêve, non , du vent (« Je vous ai compris, classe ouvrière oubliée, méprisée, martyrisée! » ou « Je serai le président du pouvoir d’achat »...).

Ces dérives qui font dire, du haut de quelques 9.000 euros de salaire payés par le contribuable sur le Trésor Public, « Non, un SMIC à 1.500 euros, ce n’est pas possible ».

La politique (l’économie, la religion...) au service du socialisme, du communisme, quand on est, ou que l’on pense être, que l’on souhaite être, communiste.

Et le communisme au service de l’Homme.

En ce qui nous concerne, voilà le seul objectif finalement envisageable pour sortir vraiment victorieux des combats contre la barbarie que nous imposent quotidiennement le capitalisme et ses chiens de garde.

"La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur" disait K. Marx.

Il serait fou de croire que la politique ne peut pas être également « l’opium du peuple ».

Notre premier devoir en tant que camarades, en tant que communistes, est de nous prémunir mutuellement des miroirs aux alouettes, de rester humbles, de mettre, d’une certaine manière, "Robespierre avant Marx", et de ne jamais oublier l’Amour .

Je le dis sans prendre a priori de position personnelle de supériorité. C’est un travail quotidien que, sans doute, nous devons toutes et tous connaître.

Veillons à ce que, dans l’action, dans la lutte, même la plus acharnée, nous ne perdions jamais de vue « l’Homme » ; qu’il soit, que son « bien-être » soit, pour nous , la mesure ultime de toutes choses.

Protégeons-nous de nous-mêmes camarades.

Il n’y aura pas de communisme si nous ne sommes pas intransigeants d’abord quant à notre propre vertu, car ce que nous proposons, ce à quoi nous travaillons toutes et tous, peut susciter de telles espérances que la moindre déception est nécessairement vécue comme une trahison .

Plus l’Idée de monde que nous proposons est élevée, plus sa réalisation est difficile, et plus la chute est dure.

La Révolution est dans la Vérité, mais aussi, dans la Vertu.

Salut et fraternité



De : La Louve

4 commentaires:

Anonyme a dit…

ne pas se trahir ,ni soi ni ses idéaux ,et par consequent ne pas trahir ceux qui ont placé leurs espoirs en nous ....
cela necessitera une grande discipline avec soi-meme ,une impartialite totale ,une absence de complaisance ,meme avec ses amis les plus chers .
il faudra sans cesse renouveler les decisionnaires
sans pitie pour qui decide
un amour immense pour le peuple....
cela a deja ete reussi avec succes
c etait il y a si longtemps , c etait en Ukraine....pendant la revolution russe...
c est passé comme un reve , ca devait en etre un ,personne n en parle jamais .
Makhno

Anonyme a dit…

1925 Vladimir Mayakovski dirigea la revue LEF.
Un poème
« Vers sur le passeport Sovietique »
Je dévorerais la bureaucratie comme un loup,
je n’ai pas le respect des mandats,
et j’envoie à tous les diables paître
tous les « papiers ».
Mais celui-là...
Longeant le front des compartiments et cabines,
un fonctionnaire bien poli s’avance.
Chacun tend son passeport, et moi je donne
mon petit carnet écarlate.
Pour certains passeports on a le sourire,
d’autres on cracherait dessus.
Au respect ont droit, par exemple,
les passeports avec lion anglais à deux places.
Mangeant des yeux le brave monsieur,
faisant saluts et courbettes,
on prend comme on prend un pourboire,
le passeport d’un Américain.
Pour le Polonais on a le regard
de la chèvre devant l’affiche.
Pour le Polonais le front est plissé
dans une policière éléphanterie
d’où cela sort-il et quelles sont ces
innovations en géographie ?
Mais c’est sans tourner le chou de la téte,
c’est sans éprouver d’émotions fortes
qu’on reçoit les papiers danois
et les suédois de diverses sortes.
Soudain, comme léchée par le feu,
la bouche du monsieur se tord.
Monsieur le fonctionnaire
a touché la pourpre de mon passeport
Il le touche comme une bombe,
il le touche comme un hérisson,
comme un rasoir à deux tranchants,
il le touche comme un serpent à sonnettes,
à vingt dards, à deux mètres de longueur et plus.
Complice a cligné le regard du porteur,
qui est prét à porter vos bagages pour rien.
Le gendarme contemple le flic,
le flic le gendarme.
Avec quelle volupté la caste policière
m’aurait fouetté, crucifié,
parce que j’ai dans mes mains,
porteur de faucille,
porteur de marteau,
le passeport soviétique.
Je dévorerais la bureaucratie comme un loup,
je n’ai pas le respect des mandats,
et j’envoie à tous les diables paître
tous les « papiers », mais celui-là...
Je tirerai de mes poches profondes
l’attestation d’un vaste viatique.
Lisez bien, enviez
je suis
un citoyen
de l’Union Soviétique.
(1929)

Benoit a dit…

Même commentaire que sur BellaCiao, mais ici il sera lu :)

Certes, la vertu est un point clé de la révolution. Cependant mettre sa vertu au premier plan n’est pas suffisant. Le pouvoir est dangereux et corrompt.

Comme tu le dis, l’espoir porté par nos idées est tellement grand qu’un faux pas peut être vécu comme une trahison. De là on peut aisément penser qu’il est tentant de passer un échec sous silence, pour ne pas discréditer la cause. Ce serait alors le début de la fin.

La vertu est bien entendu une qualité que nous devons mettre au premier plan, mais il faut trouver un moyen qui permette un contrôle constant (si possible populaire) des décisions et des résultats, pour éviter toute dérive. Il nous faut un trouver un système qui ne permette en aucun cas d’abuser du pouvoir qu’on nous confis.

Ce sera peut être le plus difficile à trouver.

François a dit…

Salut tout le monde,
La vertu et la révolution...?Voilà une question qu'elle est bonne et pas qu'un peu.

Je pense qu'il ne faut pas rêver ,l'homme est capable du pire comme du meilleur.Rien ne sert de se cacher cette vérité.Nous sommes tous avec nos forces et nos faiblesses.il nous faut donc en tenir compte.

Staline disait(oui,oui Staline...) "ce n'est pas le pouvoir qui rend fou,c'est la peur de le perdre"

Je n'aime pas citer ce gugus mais là je trouve qu'il n'avait pas tort.

Donc,que ferons-nous si un jour,ce que j'espère bien,nous avons le pouvoir?Nous ne sommes pas faits autrement que les autres,alors?

Un parti à l'état embryonnaire fontionne toujours bien.Mais plus il grandit et plus cela est difficile de se surveiller les uns les autres.Et le danger de la bureaucratisation est omniprésent.

Par exemple ,la LCR :au début(je l'ai bien connue)pour trouver plus révolutionnaires qu'eux ...difficile voire impossible.A l'exception d'un type que je connais particulièrement bien,A.Krivine voyez où en est la ligue?Elle tourne purement et simplement à la sociale démocratie,on croirait un nouveau PS en construction.

Et il n'y a pas que la ligue...

Donc il faut poser les bases , les règles dès le départ,après c'est trop tard.

Comme dit Makhno"nécessiré d'une grande discipline avec soi- même..." "renouvellement permanent des décisionnaires"

Tout est là il faut effectivement,une fois les bases bien établies, légiférer et s'y tenir.
L'élections de responsables révocables à tout moment est,de mon point de vue,indispensable.De plus cela permet de ne pas sombrer dans le culte de la personnalité ce qui est très dangereux.

Quant à l'amour du peuple cela ne me parait pas évident.

entre les "deux guerres"en ex-Yougoslavie je suis allé à Mostar et Sarajevo,j'y ai vu un peuple formidable.Les gens étaient par la guerre devenus complètement égaux donc totalement solidaires,s'aimant vraiment.Je garde un souvenir très fort de ce
que j'ai pu voir là-bas.

Je me souviens aussi de la bibliothèque de Sarajevo qui avait été plus bombardée que le reste de la ville.Elle contenait des preuves de la richesse culturelle de plusieurs ethnies vivant ensemble et cela était insuportable aux guerriers.

Plusieurs années plus tard,un de mes copains y est retourné.Il n'a pas reconnu le peuple que nous avions vu.Mais des gens qui ne s'entendaient plus de la même façon.Ils avaient des différents,des querelles,des disputes bref,un peuple redevenu"normal".

Donc là aussi il faut être très prudent.Mais cela reste tout à fait possible et je continue d'y croire.

Fraternellement à toutes et tous
François