mercredi 27 février 2008

COMMUNISME LOCAL, CAPITALISME ET EUROPE



On parle beaucoup de communisme ou de socialisme municipal, de « résistance » par la voie des urnes, à la politique capitaliste de Sarkozy et consorts...

Mais de quoi parle-t-on exactement quand on a dit cela?

Croire qu’aujourd’hui, à ce degré de consumérisation de la vie politique (c’est à dire où l’électeur se comporte, et est incité à se comporter, comme un consommateur, qui choisit en fonction de règles de marché), les collectivités locales, et notamment les communes, ont encore des moyens suffisants pour « résister valablement », est assez fou.

En effet, tout est fait, depuis l’Europe de Bruxelles bien-sûr, pour que les communes notamment, ne puissent plus résister, ou si peu, au « tout privé ».

C’est un vieux mouvement initié depuis quinze ans environ, qui a consisté d’abord à introduire le droit de la concurrence et ses avatars dans la gestion des collectivités publiques (ce qui s’est traduit dans les facultés de droit par la création de diplômes de « droit public économique », dans les revues spécialisées, de chroniques de « droit public de la concurrence » etc.).

On a ensuite laminé le vrai noyau de résistance qu’était, en Europe, la notion de service public « à la française », pour le remplacer par la notion de service « d’intérêt général ».

Puis, on a rendu extrêmement compliqué et difficile la contractualisation publique, dans les contrats spécifiques de marchés publics et de concession, tout en prétendant les faciliter cependant avec des possibilités de « procédures négociées ».

Le résultat est connu, c’est celui de la promotion des partenariats publics privés, les fameux PPP anglo saxons.

Ainsi, de nombreux élus municipaux ou responsables d’EPCI, souvent « intoxiqués » par une propagande fort habilement menée, n’ayant pas toujours le temps ni les moyens de se documenter plus en avant, ont cru dernièrement que le « PPP », (partenariat public privé), était une panacée pour réaliser des investissement d’infrastructures, d’équipements, fonciers, immobiliers, de service public, sans recourir à la dépense ou au financement public.

Beaucoup d’entre eux se sont lancés dans ce type de projets (notamment pour de l’éclairage public), ou les ont mis à l’étude, en toute bonne foi, motivés par le désir légitime de trouver les meilleures solutions au moindre coût pour leurs administrés.

Alors qu’aujourd’hui le leitmotiv du Gouvernement en la matière est « libérer les partenariats public-privé d’une réglementation trop restrictive » (en octobre 2007, Nicolas Sarkozy incitait ainsi son Premier Ministre à formuler rapidement un projet de loi – aujourd’hui projet dit « Novelli »- allant en ce sens), il nous semble intéressant de revenir rapidement sur les alternatives qui existent déjà, et qu’il faut aussi développer dans l’ingénierie juridique, pour permettre aux élu-e-s de ne pas avoir ce seul recours pour investir.

Cela nous semble d’autant plus urgent que le lobbying forcené auprès des collectivités territoriales des dix principaux acteurs du marché de l’investissement public (Bouygues, Suez, Veolia…) a fortement augmenté, et que les propositions faites aux élus via des structures telles que le « Club de promotion des PPP » sont tellement mirifiques, en comparaison de ce que permet ou semble permettre un investissement public maîtrisé, que nombreux sont celles ou ceux qui risquent de céder aux appels des sirènes.

Force est de rappeler certaines évidences que livraient par exemple Jean Du-lac (Formateur des inspecteurs de la concurrence sur l’ouverture des marchés – Options 531/ novembre 2007 ), au sujet de ce contrat qui nous vient tout droit de la Grande Bretagne depuis juin 2004 : « Lorsque le privé investit, il se situe dans le court terme et cherche toujours à faire supporter les risques aux élus, aux usagers. Il le fait en imposant des avenants au contrat initial, par exemple, d’où des surcoûts en série. Dans le domaine de l’eau, la gestion par le privé aboutit en moyenne à un dépassement de 30 % pour les usagers.(…) En fait il (le PPP, NDA) externalise le financement initial de l’investissement et c’est vrai, fait disparaître la dette publique. Mais il a reporte sur le banquier qui, lui, va en profiter en la faisant rémunérer ».

Ajoutons qu’en règle générale, ces contrats de longue durée ne provisionnent pas les travaux lourds de gros investissements, mais également, qu’ils ont tendance à rendre le contrôle de la collectivité sur son service ou son investissement public diffus, secondaire, sinon inexistant.

C’est devenu un outil classique de démantèlement d’un service public et les solutions classiques autrefois mises en oeuvre sont peu à peu abandonnées.

L’ingénierie financière et boursière n’étant pas en reste, on a vu se développer également les solutions permettant aux collectivités d’emprunter de très grosses sommes par le biais d’émission d’obligations (une des pionnières a été la Ville de Cannes, qui en est à son troisième emprunt en 5 ans je crois...).

Pendant ce temps, les solutions juridiques françaises qui permettaient aux communes d’avoir recours à des partenariats avec le privé qu’elles pouvaient maîtriser, comme la VEFA ( Vente en l’état futur d’achèvement) ont vu leur champ d’application se restreindre comme peau de chagrin, de même que récemment, le droit des concessions d’aménagement, autre spécificité française, a été également retoqué (et va probablement l’être de nouveau) pour passer sous les fourches caudines de la Commission.

On pourrait ajouter à cela la volonté de se débarrasser des SEM (les sociétés d’économie mixte où la collectivité locale est majoritaire au capital et qui ont porté de nombreux projets d’aménagement).

Et il ne faudrait surtout pas oublier la prégnance de la notion de « dette publique », véritable fléau que le premier devoir des communistes devait être de combattre sans répit, qui, adossée aux baisses des financements publics (Etat, impôts, taxes, souvent par pur électoralisme) conduit directement les gestionnaires publics dans les bras du privé.

Tout cela n’est guère réjouissant et quand on est « de la partie » depuis quelques années ,ce qui est mon cas, on le constate parfaitement, tant à la pratique, qu’à l’examen de la loi et de la jurisprudence sur dix ans.

Alors, il faut bien savoir qu’aujourd’hui, cette « résistance » que nous nous proposons d’offrir, elle ne peut pas être complète, ni performante, si nous n’avons pas une réflexion et un discours sur tout cela, qui permette de lutter contre la tendance naturelle des citoyens à préférer « choisir » ceux qui leur proposent « le plus », grâce à l’immixtion totale du privé (et à quel prix!) dans la gestion publique, et également , contre l’ignorance, qui est décidément le pire des maux (y compris chez certains responsables politiques).

En effet, à votre avis ,que choisira un citoyen s’il doit décider entre une crèche énorme avec tout le toutim dans deux ans, et une crèche moins « bien », plus petite, dans cinq ans? Evidemment ,la première solution, et sans se demander comment cela va être obtenu ni quelles vont être les conséquences de ce choix à moyen terme, et à un niveau national!

Il nous faudrait également mettre en place, à l’instar des capitalistes, avec les élus, avec tout les acteurs de terrain, des groupes de recherche et d’ingénierie qui soient susceptibles de faire pièce à toute cette machinerie.

Ce doit être également un point central de la formation de nos cadres et de nos militants, car tout se tient.

salut fraternel

La Louve

3 commentaires:

François a dit…

Difficile de tenir tête là-dessus car je me noie complètement dans tout cela.J'ai du mal à y comprendre quelque chose.

Mais je n'en fais pas un complexe;je sais que c'est fait pour ça.

Ce qui ressort de ton excellent texte c'est ,selon moi, la nécessité de re- nationaliser.Et les communistes devraient axer l'opinion dans cette direction.

Encore qu'il me semble avoir lu ou entendu que certaines nationalisations pouvaient aussi coûter cher au peuple ?

Et de toute façon,complètement d'accord avec toi pour ton incitation à la formation par le parti des militants.Mais là on soulève un problème énorme qui n'est malheureusement pas là de se résoudre,il y a trop de mauvaise foi.

Bon je vais re-re-lire ton texte grâce auquel je me noie de moins en moins. Tu es ma bouée.

Fraternellement à toi et à tout le monde.
François.

Anonyme a dit…

un plaisir de lire ce texte .
bien sur que cette mixité , ce démantelement sont prévus et organisés..et ce , depuis longtemps .
comme tu le dis il faut "passer "sous les fourches caudines de l europe.
ils sont prets a nous faire miroiter tout et son contraire , pourvu que tout soit detruit au profit de l europe libre de l OMC .
tout doit s acheter tout doit se vendre...
il ne doit plus y avoir de spécificité , exemple en cour le livret A.
donc il faut anéantir tout ce qui va contre ,tout ce qui tente de preserver une solidarité communautaire ,au détriment le l "individualisme commerçant"
mais la encore nous parlons d'anéantissement au sens large .
il ne faut plus , ou presque de service public tel que nous le connaissons.
mais nous faisons également "tache " dans le decor. Syndicats et partis d ' opposition ( réels )ont tout a craindre , en temoigne la repression accrues de ces derniers temps.
tout passe effectivement et passera plus que jamais par la formation et l information .
Pour exemple ,localement nous essayons de faire recuperer la gestion de l eau par la municipalité car depuis que Veolia s en occupe les factures ont explosées de façon exponentielles.
la plus forte résistance , nous la rencontrons , (a part dans la direction meme de Veolia , bien sur ) chez nos camarades de la CGT qui y travaillent ...
Makhno

Anonyme a dit…

Elodie, je partage pleinement tes inquiétudes sur le mode d'investissement du public.
je le partage tellement que dès novembre 2006 j'avais fait un post à ce sujet : http://daviolo.unblog.fr/2006/11/10/84/

Toutefois, restons confiants, le PPP est encore loin d'être généralisé et les conséquences vont vite être mesurées par les citoyens, ce qui devra certainement obliger les politiques à accorder le temps du politique (court terme) sur celui des administrés (long terme) et ainsi obliger les élus à a revenir à de l'investissement via la dette publique qui est loin d'être négative comme le véhicule pourtant tous les médias aux ordres.