jeudi 12 juillet 2007

Photographie: Diane ARBUS (Parenthèse sur Steve Shainberg)



Pour celles et ceux qui ne le savaient pas encore , j'aime passionnément la photographie - cela me vient de loin, bref, je vous passe les détails.
Hier, j'ai regardé "Fur - An imaginary portrait of Diane Arbus" avec Nicole Kidman et Robert Downey Jr. "enfin disponible" en DVD ( 'vachement pratique pour les gens qui ont des enfants le DVD quand même!...)


Le réalisateur (Steven Shainberg) avait déjà "pondu" une première merveille il y a quelques années , cela s'appelait "La secrétaire" (avec James Spader et Maggie Gyllenhall) - et je vous le recommande vivement si vous ne l'avez pas encore vu.

--- Une parenthèse, parce qu' il est étonnant ce Shainberg....
Rares sont les cinéastes, les artistes disons, qui dévoilent autant d'eux mêmes et avec une telle cohérence , radicale, presque systémique ( ça doit être mon côté "coco" , j'aime bien) sans que toutefois cela perde en finesse ou en légèreté.
Le choix de ses acteurs me plaît, et surtout, des duos actrice/acteur qu'il crée. Ils fonctionnent tous de la même manière, redoutablement efficace (car comment ne pas "comparer" Spader et Downey Jr, Kidman et Gyllenhall?...) , il creuse, on peut dire, la thématique du couple, "mythique" et ultra-érotique, de "la Belle et la Bête", sans que ce soit nécessairement physique, ni d'ailleurs qu'on sache bien à un moment qui est quoi.
Ce couple là n'est pas "immuable", au contraire; pour qu'elle fonctionne cette histoire, les rôles doivent être fréquemment échangés , et il faut toutjours chercher au-delà des apparences; rien n'est jamais évident bien sûr.
Les personnages masculins de Shainberg ont la caractéristique d'être des hommes qui présentent une "monstruosité" (physique ou morale) EVIDENTE, ils sont de vrais repoussoirs (l'homme à poils ou l'avocat hystérique), et ils sont incarnés par des acteurs qui ont des physiques qui ne renvoient pas ( ou plus) du tout au "prototype" du mâle américain en vogue à la Pitt ou Clooney; ils ont aussi et en général, connus de vrais "hauts" et de vrais "bas", ils seraient plus proches de Mickey Rourke...
Quant à ses personnages féminins, il choisit à dessein des actrices qui sont pourvues d'enveloppes charnelles très troublantes ( aussi bien Gyllenhall que Kidman, chacune a à sa manière un physique d'extra-terrestre, on ne peut pas dire qu'elles sont laides, mais on ne peut détacher les yeux, elles sont fascinantes) pour représenter des personnages totalement névrosés et dévastés.
Rien d'étonnant donc , à ce que Shainberg, dont le cheminement dialectique est manifeste (belle/bête, dedans/dehors, montré/caché, norme/hors norme...) révèle dans ce film une sorte de fascination pour Diane Arbus, photographe célèbre pour ses portraits d'Américains " lambda" et ses portraits de personnes "hors-normes", elle aussi peut on dire, dialectique.
Arbus était par ailleurs elle même dévastée justement - comment peut-on comprendre autrement son oeuvre, et comment s'étonner finalement, qu'elle mit fin à ses jours en 71, avant d'avoir 50 ans...
Où faut-il puiser l'Idée? Où va t elle se nicher et comment jaillit-elle? ou comment va t on la débusquer?
Je ne veux pas verser dans le cliché de l'artiste maudit il n'y a pas de nécessité - je dis juste que bien souvent on constate que les efforts de l'esprit pour se dégager de la névrose produisent des génies.
Et je vais aller plus loin, je me demande si notre volonté "moderne" de ne pas laisser souffrir les gens, de les "soigner" pour leurs dépressions, quo ique préservant sans doute leurs vies, (à moins que ce ne soient les notres?) ne prive pas l'humanité de certaines perles.
Qu'aurait donné une Arbus qui aurait croisé un Dr Durand qui lui aurait prescrit du Zyprexa pour 10 ans?....
Alors, quand je dis d'Arbus qu'à moi en tout cas, elle em e semble dévastée,(sentiment que semble partager Shainberg) je dis cela évidemment sans connotation péjorative - non.
Il y a des gens qui naissent avec un sacré tendon d'Achille: leur lucidité ne fait qu'aggraver leur sensibilité et rend impossible la constitution d'une carapace sérieuse. Ils deviennent des éponges du monde perceptible ( qui parfois ne s'arrête même pas à la limite de leur peau) et ils n'ont d'autres solutions que de trouver un exutoire qui fonctionne.
Si ce type de personnes trouve cet exutoire, cette porte de sortie, c'est bien; elles prolongent leurs jours d'un sacré nombre d'années, surtout si elles rencontrent le succès, ce qui fut le cas d'Arbus de son vivant.

Comme il le fait dire à "Lionel" (Downey dans "Fur", qui joue donc le rôle d' un "freak", un "monstre") quand Arbus lui demande s'il est déjà tombé amoureux d'une femme "comme lui" ( elle entend , elle, couverte de poils de la tête aux pieds) ; il lui répond (en songeant à elle bien sûr) "non...je préférais chercher un vrai monstre..."
Arbus, si elle n'avait pas eu à exprimer cette tension, si elle n'avait pas, dans son introspection intime, saisit l'urgence qu'il y avait pour elle à dépasser ladite tension, Arbus aurait- elle fait ses photographies, et surtout, les aurait-elle faites comme cela?...
Aurions nous pu contempler ces photos incroyables?
Voici un blog où vous trouverez, notamment, quelques photos d'Arbus :
Et plus généralement en rôdant sur le Net cette nuit, je suis tombée sur une galerie virtuelle avec quelques beaux morceaux ( Avedon, Levitt, Penn etc) :
Sur ce, bonne journée....

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