mardi 15 mai 2007

LE GAUCHISME, MALADIE INFANTILE DU COMMUNISME...

« LE GAUCHISME, MALADIE INFANTILE DU COMMUNISME… »

Le titre de ce billet est dicté, je le reconnais, par un mouvement d'humeur qui fait suite à l'avalanche de déclarations proprement ahurissantes entendues "à gauche" ce week-end ; il est évidemment repris du texte de Lénine*.

Pour différentes raisons, il me semble parfaitement adapté de reprendre ce titre aujourd’hui (ainsi que, d’une certaine manière, la substance de l'ouvrage), sans sombrer dans la nostalgie béate et poussiéreuse, pour les appliquer à la situation que nous vivons actuellement...


Il me semble en effet urgent aujourd’hui non pas « d’unir la gauche » dans l’illusion d’un grand parti, mais au contraire, d’en finir avec la confusion idéologique entretenue savamment par certains à leur seul profit au sujet de "la gauche", confusion que l’on peut appeler, que l’on devrait appeler, en effet, le gauchisme.

"La gauche" existe en France.

Oui.

Elle existe puisqu'on en parle..

Mais qu'est-ce au juste?

Elle sert d'abord à désigner une place sur "l'échiquier politique" (désignée ainsi pour des raisons historiques et matérielles puisqu’à l'Assemblée nationale, au moment des premières discussions constitutionnelles, les opposants au droit de veto royal se regroupaient à gauche de l'hémicycle, tandis que les partisans du pouvoir royal en formaient l'aile droite.)

Elle sert ensuite à différencier les mouvements et partis non solubles dans une même structure mais constituant des forces d'appoint (ou de contrepoint) les unes aux autres, dans une temporalité, dans un contexte historique, pour s'opposer à "la droite".

Mais surtout, ces deux notions, "droite" et "gauche", sont devenues des facilités de langage qui peuvent être bien utiles parfois, et notamment dans les discussions du café du coin ou lors d'un déjeuner entre copains, dans certains discours, quand le temps manque, mais qui deviennent un tantinet insuffisantes, voire contre-productives, dès qu'il s'agit de parler un peu sérieusement des choses au fond.

Un peu comme lorsque l'on parle de l'amour ou de la vertu...

Arrive un moment où il faut prendre le risque idéologique du désaccord sur la substance du concept.

Par nature, voire, par instinct, je me méfie toujours des gens qui emploient sans arrêt le terme de "gauche" et s'en tiennent à cela.

Je les soupçonne souvent de ne pas arriver à décider s'ils sont socialistes ou communistes, révolutionnaires ou pas.

Et force est de constater que très souvent, cette intuition est vérifiée...

Au fil du temps, "la gauche" a certes pu faire référence à un corpus de valeurs, plus ou moins bien définies d'ailleurs, plus ou moins communes à des personnes appartenant ou sympathisants de partis qui eux, ont en général des fondements idéologiques, des objectifs, des habitudes, des règles, parfois très différents.

Mais "la gauche", ce n’est en aucun cas une formation politique, encore moins une structure ni une idéologie et je crois que ça ne peut pas l’être à moyen terme. C'est à la rigueur un moyen, un outil, à utiliser ponctuellement.

A court terme, dans la panique actuelle, sans aucun doute, si l'on écoute certains (qui ont une sorte de posture apocalyptique) "tout est possible", et comme aurait dit ma grand-mère, ils semblent rêver qu'on sorte de la farine d’un sac de charbon - y compris qu'on fasse de "la gauche" une force politique autonome et à part entière.

Non seulement je doute que cela soit possible, mais encore, je doute que cela soit souhaitable...

Cela étant dit, il est impératif que les communistes et les socialistes français se posent aujourd’hui la question de savoir ce qu’est et ce que doit être pour eux et pour le reste de leurs concitoyens, « la gauche ».

Le raisonnement sur cette notion de "gauche" doit, à mon sens, être construit notamment autour de quatre axes de réflexion:

-l'un, très général et qui s'applique à beaucoup de concepts, qui est fondé sur la question de savoir si les mots ont un sens, si les mots peuvent influer sur les choses qu'ils désignent, voire sur les personnes qui les emploient...

Les trois autres axes de réflexion sont plus spécifiquement politiques:

- d'une part une réflexion définitoire sur le socialisme (génériquement parlant) et le communisme,

- d'autre part, un questionnement autour de la notion de parti politique; si et pourquoi un parti politique ( et non un mouvement ou un collectif) a (ou n'a pas) une utilité dans la vie politique, et dans l'affirmative, quelle est cette utilité. Ce qui implique évidemment que l'on ait préalablement défini ce qu'est un parti politique.

- enfin, que signifie le terme d'alliance en politique et quelle forme doit préférablement prendre cette alliance?

Evidemment, on ne répond pas à ces questions en cinq minutes, une vie n'y serait peut être pas suffisante , et surtout, on n'y répond pas seul.

Prenons la LCR, le PS et le PCF, par exemple.

Certes, il me semble que ces trois formations ont plus de points communs entre elles qu’avec l’UMP, le FN ou l’UDF, évidemment (en tout cas pour l’aile socialiste du PS).

Là, la grande ligne de fracture "gauche/droite" fonctionne à peu près. Il y a des hommes et des femmes de gauche, des hommes et des femmes de droite.

On les "repère" finalement en posant certaines questions, et l'une de ces questions essentielles est le rapport au capitalisme.

C'est le point d'achoppement, c'est là que l'on voit vraiment et assez précisément qui se situe où.

Ces 3 partis ont déjà travaillé ensemble, parfois avec succès, et, je le pense, doivent, dans une certaine mesure (mesure qui a peut être été outrepassée il y a longtemps) poursuivre leur politique d’alliances à certains niveaux et dans certaines conditions, ponctuelles et définies, je dirais même, quasi-contractuellement.

Mais ils ne peuvent ni ne doivent, à mon sens, tenter de "fusionner" dans une hypothétique "gauche" dont on ne saura jamais si elle est "socialiste" , "communiste", "révolutionnaire", "réformiste", "anticapitaliste", "alternative au libéralisme" etc.

Sachant que si toutes ces notions peuvent être articulées avec profit lors de certaines alliances, elles ne peuvent cohabiter durablement sans que l'une prenne le pas sur l'autre, au détriment de toutes les autres.

La LCR d'ailleurs ne s'y trompe pas, qui tente actuellement "d'aspirer" vers elle ceux et celles qui sont perdus mais ne se propose absolument pas, pour l'instant et à ma connaissance, de former un parti "fourre-tout" de "la gauche".

En cela, elle semble avoir tiré les leçons de l'échec des collectifs. Nous serions assez avisés, au PCF, de faire de même, et vite.


Il me semble qu'on mesure la force d'un homme ou d'une entité aux réponses qu'il ou elle est capable d'apporter, en termes de rapidité et d'efficacité, dans un moment de crise et face à un ennemi puissant (en cela, ma grille d'analyse est "schmittienne" certes, mais je pense qu'elle n'est pas mauvaise: est le chef qui décide en situation exceptionnelle...).

Or, ma crainte, avec ce type de structure, de "mouvement" ( tout le monde vante en ce moment une Linke, un "Mouvement Démocrate" mais attendons de voir ce que donnera tout cela à l'épreuve du feu...), et même à supposer que l’on parvienne à en faire un vrai parti politique, c’est que, lorsqu’il faudra agir fermement et efficacement face à la droite des néo-conservateurs, des libéraux, face au MEDEF..., les dissensions profondes (et à mon avis non résorbables) de ces différentes composantes de "la gauche" française ne manquent pas de faire jour et fassent "péter la machine" au moment où on en aura le plus besoin.

Nous serons ainsi bien avancés pour protéger et défendre ce qui nous tient à coeur et ceux qui comptent sur nous, puisque nous n'aurons plus d'outil, ni ancien, ni nouveau...

Car oui, il y a des différences parfois cruciales entre les différentes idéologies qui composent la gauche française. Les socialistes diront "contrôle de la dette", les communistes diront "anticapitalisme" , les alternatifs diront "autre chose" (ils disent toujours "autre chose" sans pour autant fournir ensuite l'effort intellectuel qui aboutit au concept...)

Las.

Il n’y aura pas d’action.

Il n'y aura pas d'action POLITIQUE.

Et en conséquence, il y aura des défaites.

Elles ne se mesureront pas uniquement dans la possibilité de présenter des "candidats" communs, elles ne se mesureront pas uniquement en termes de perte de voix, mais surtout dans l'impossibilité de faire appliquer des programmes communs et dans le repli militant.

Fort logiquement, ces défaites idéologiques et pragmatiques aboutiront à des trahisons et à des renoncements qui auront des conséquences de plus en plus sanglantes, les attentes de ceux que nous devons protéger, les attentes du peuple en général devenant de plus en plus cruciales et immédiates.

Tout cela arrivera à bien plus long terme que prévu ; le travers des personnes qui n'agissent que dans l'urgence et sous le coup des émotions, c'est de manquer de longueur de vue.

L'UMP agit actuellement comme une force idéologique centripète ultra puissante.

Le perdant a souvent tendance à vouloir se draper dans les atours du gagnant, un peu comme certaines tribus se couvrent des peaux des animaux tués au combat ou mangent le coeur de leurs ennemis.

En cela c’est enfantin. Au sens presque freudien du terme.

Perdre cela de vue c'est commettre une erreur politique terrible.

L'illusion de victoire que donne l’UMP est mortifère pour l'ensemble de la gauche.

Il est en effet très facile de rassembler à droite alors que c'est, nous le savons, très difficile de le faire valablement à gauche, pour des raisons idéologiques et parce que l'anticapitalisme est une lutte bien plus difficile, plus ardue, que le capitalisme.

Notamment d’ailleurs parce que le capitalisme ne se définit pas comme une lutte mais comme un système qui est.

En cela réside la grande force du capitalisme, qui agrège, de par sa nature même, des hommes et des femmes qui ont renoncé à des combats d'idées pour préférer la défense, facile, d'un système omnipotent.

Céder à l'illusion agrégative que l'UMP et la droite nous renvoient actuellement, c'est les laisser gagner la bataille des idées en notre sein même encore plus loin qu’ils ne l’ont déjà fait.

Oui, je le dis, le réformisme de gauche, qui n’est rien d’autre qu’une version renouvelée du gauchisme, qu'on nous propose actuellement, est un tropisme capitaliste qui peut nous conduire, non plus à l'échec, mais à la mort.

Alors que le communisme est le socialisme des vainqueurs, le gauchisme est le socialisme des perdants et se construit souvent dans la défaite ou la capitulation.

Il me semble que les communistes (et les socialistes, au passage, qui ont déjà perdu le PS il y a 20 ans pour ces mêmes raisons) doivent résister à tout prix à cette tentation gauchiste aggravée par la posture de l’UMP.


Le 6 mai 2007 semble déjà loin derrière, le 21 avril 2002 encore plus lointain, mais je me permets de rappeler qu'en politique, une bonne stratégie est un piège à double ou à triple détente, qui joue notamment sur le manque de courage et le manque de lucidité de l'adversaire, sur ses préjugés et ce qu'il croit avoir acquis, exactement comme aux échecs...

Par ailleurs, la plupart des "people politique" appelant aujourd’hui de leurs voeux ce "renouveau de la gauche", ont surtout fait montre jusqu’à présent d’un ego parfois imposant, voire, disproportionné, et de solides appétits personnels, plus que d’autre chose...qui personnellement ne me tentent pas.

Je ne me sens absolument pas l'état d'esprit pour servir de chair à canon à un homme providentiel qui n'a pas de mentalité, d'habitudes collectives, dont l’ambition n’est pas contrôlée a minima par une structure collective fiable, et donc, par définition, est incontrôlable.

Simplement, sans doute, il me semble préférable que nous ne nous posions pas trop de question "d’appareil",et que surtout, nous, au PCF, nous ne cédions pas à la tentation généralisée de l’hystérisme "rénovateur" qui agite actuellement "la gauche".

Que, pour le bien public et l’intérêt général, et plus particulièrement, pour le mieux être des travailleurs, qui doivent être nos seuls objectifs, il faut, sans état d’âme, que nous travaillions au renforcement du PCF et à la re-fondation de l’Idéal Socialiste dans le PCF, dans le dialogue, dans la fraternité, sans trahir et sans mentir.

Le congrès de décembre servira à cela.

Il me semblera toujours préférable, pour des tas de raisons, d’avoir le privilège en France de bénéficier de formations politiques qui représentent diverses "facettes" de cette "gauche" protéiforme, et qui, éventuellement "s’entraînent", se stimulent, les unes les autres, voire, quand il le faut ,travaillent main dans la main, notamment pour s’opposer à l’UMP et aux néo conservateurs, plutôt que de concourir à la bipolarisation de la vie politique autour d’un clivage qui, s’il est intéressant stratégiquement à certaines occasions, n’offre aucune garantie idéologique sérieuse, aucune garantie politique sérieuse, et donc, aucun espoir d’avenir engageant pour ceux que nous prétendons défendre.

C'est la raison pour laquelle j'exhorte aujourd'hui mes camarades et nos sympathisants:

- à continuer de revendiquer et de promouvoir sans fausse pudeur, sans crainte, avec joie, le communisme et l'appartenance au PCF et à toujours témoigner que ce parti, ce sont les militants qui le font (en cela je pense que si un jour un grand "parti de gauche" devait advenir, il ne le fera valablement que porté par la majorité des bases militantes des uns et des autres) ;

- en conséquence, à voter et faire voter massivement pour les candidats communistes aux législatives qui se profilent, sans état d'âme et surtout, sans recourir aux calculs mortifères qui nous ont coûté un score qui aurait du être honorable le 22 avril 2007 ;

- enfin, à ne pas se perdre sur des chemins de traverse qui n'ont de rénovateurs que le nom, et dont la voie est montrée par des personnes qui sont souvent de peu de caractère et pauvres en idées.

Comme me le disait un ami, serrons nous les coudes jusqu'au 10 ou au 17 juin, sans nous éparpiller, sans céder à la peur ou à l'appel des sirènes, et ensuite, reprenons sereinement et avec acharnement, notre travail de communistes.

"Tout ce qui est beau est difficile autant que rare" **

Fraternellement à tous et à toutes

Osémy

*disponible en ligne ici http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1920/04/gauchisme.htm

**Spinoza, Ethique.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

La Louve,

Quel plaisir que tu fasses référence à ce bouquin de Lénine qui est d'une brûlante actualité !!!

Dé Lénine également, je me permettrai de signaler "Marxisme et révisionnisme » (http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1908/04/vil19080403.htm) dont la lecture est, à la lumière de l'état de la Gauche actuellement, très édifiante...

Michel
(PCF)

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
SAd___ a dit…

Un texte dense et bien écrit (merci !), il reste à répondre à deux questions :
- Que faire ?
- Comment le faire (avec qui !) ?

du boulot pour les militants, tout les sympatisants

Sad