lundi 16 avril 2007

COMMENT SE SONT USEES MES MAINS

Tu ne sais pas, ma bien-aimée,
Comment mes mains se sont usées
Combien mes yeux ont de larmes versé
Pour qu’existe en actes la fraternité

Tu ne sais pas, mon doux amour
Comme à porter le glaive parfois fut lourd
Comme les cris jaillis de nos poitrines sont restés sourds
Quand sur nos camarades nous vîmes planer l’ombre des vautours

Tu ne sais pas, mon ange adoré
Ce qu’il y eut de moqueries, de perfidies, de quolibets
Lorsqu’on avait préféré, au soin de sa personne, celui de l’humanité…

Se sentir élu , prédestiné, enraciné dans cette terre rouge du sang versé !

A quel prix, mon amour,
Ai-je payé la fidélité
A cette Idée !

Si l’Homme est aliéné, je ne peux pas respirer !
Aucun baiser de tes lèvres si douces ne saurait m’apaiser
Et je te trouverai laide, toi qu’il me plaît si fort de contempler,
Si sur tes épaules nues tu ne sais pas poser
L’armure du guerrier, et l’étendard de la liberté.

Nous étions visionnaires au pays des aveugles
Les mains vides mais tendues, la paume ouverte à la douleur du monde...

Et nous avons craché à la face de l’oppresseur immonde !

Quand sur la machine, à la nuitée,
L’homme au labeur crachait son souffle dernier
C’est dans ma poitrine que jaillissaient
Les larmes ravalées de la misère étouffée

Mon frère aux fers
Fût mon combat et mon enfer !

Tu as vingt ans, en toi le feu, la conscience vierge qui galope - tu crois savoir…

…Et, non, c’est vrai, au fond, tu sais , des choses que moi j’ai oubliées

Souvent tu parles une langue que je ne peux comprendre
Car à trop de mensonges entendre
Mon cœur peut être a fini par se fendre?

Quelle folie pourtant, mon âme, de toutes ses forces, je le sens, continue à se tendre.

Le miel de l’amour et l’amitié serrée qui nous rendaient si fiers
Baignaient mes heures les plus sombres d’un halo extraordinaire

La pitance partagée était festin de roi
La paille la plus dure était drap de soie
Pourvu qu’aux yeux du camarade, la rouge étoile brillât

Cette rouge étoile
Qu’aujourd’hui tu railles
Si sûre de toi, trop loin de moi – ah, il faut que je m’en aille !

Car non, vraiment, tu ne sais pas toi que déjà j’aime moins
Comment se sont usées mes mains…



De : LA LOUVE
samedi 14 avril 2007

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