mercredi 16 janvier 2008
Attention aux « PPP » : des moyens de réaliser des investissements sans recourir au « tout privé » dans sa commune.
Attention aux « PPP » : des moyens de réaliser des investissements sans recourir au « tout privé » dans sa commune.
De nombreux élus municipaux ou responsables d’EPCI, souvent « intoxiqués » par une propagande fort habilement menée, n’ayant pas toujours le temps ni les moyens de se documenter plus en avant, ont cru dernièrement que le « PPP », (partenariat public privé), était une panacée pour réaliser des investissement d’infrastructures, d’équipements, fonciers, immobiliers, de service public, sans recourir à la dépense ou au financement public.
Beaucoup d’entre eux se sont lancés dans ce type de projets (notamment pour de l’éclairage public), ou les ont mis à l’étude, en toute bonne foi, motivés par le désir légitime de trouver les meilleures solutions au moindre coût pour leurs administrés.
Alors qu’aujourd’hui le leitmotiv du Gouvernement en la matière est « libérer les partenariats public-privé d’une réglementation trop restrictive » (en octobre 2007, Nicolas Sarkozy incitait ainsi son Premier Ministre à formuler rapidement un projet de loi – aujourd’hui projet dit « Novelli »- allant en ce sens), il nous semble intéressant de revenir rapidement sur les alternatives qui existent déjà, et qu’il faut aussi développer dans l’ingénierie juridique, pour permettre aux élu-e-s de ne pas avoir ce seul recours pour investir.
Cela nous semble d’autant plus urgent que le lobbying forcené auprès des collectivités territoriales des dix principaux acteurs du marché de l’investissement public (Bouygues, Suez, Veolia…) a fortement augmenté, et que les propositions faites aux élus via des structures telles que le « Club de promotion des PPP » sont tellement mirifiques, en comparaison de ce que permet ou semble permettre un investissement public maîtrisé, que nombreux sont celles ou ceux qui risquent de céder aux appels des sirènes.
Force est de rappeler certaines évidences que livraient par exemple Jean Dulac, au sujet de ce contrat qui nous vient tout droit de la Grande Bretagne depuis juin 2004 : « Lorsque le privé investit, il se situe dans le court terme et cherche toujours à faire supporter les risques aux élus, aux usagers. Il le fait en imposant des avenants au contrat initial, par exemple, d’où des surcoûts en série. Dans le domaine de l’eau, la gestion par le privé aboutit en moyenne à un dépassement de 30 % pour les usagers.(…) En fait il (le PPP, NDA) externalise le financement initial de l’investissement et c’est vrai, fait disparaître la dette publique. Mais il a reporte sur le banquier qui, lui, va en profiter en la faisant rémunérer ».
Ajoutons qu’en règle générale, ces contrats de longue durée ne provisionnent pas les travaux lourds de gros investissements, mais également, qu’ils ont tendance à rendre le contrôle de la collectivité sur son service ou son investissement public diffus, secondaire, sinon inexistant. C’est devenu un outil classique de démantèlement d’un service public.
La question, pour les ingénieurs et conseils juridiques des collectivités qui le souhaitent, est donc d’une part d’informer leurs clients de la réalité des PPP, et d’autre part, de mettre au point d’autres solutions de remplacement, en concertation, le plus possible, avec les décideurs publics, et évidemment, dans le respect de la légalité.
Parallèlement, et sous l’impulsion des traités européens (notamment Maastricht), on crie haro sur la dette publique, alors que les collectivités devraient envisager de réhabiliter la dette publique comme instrument privilégié de financement des investissements, de même que les impôts et taxes locaux assis de préférence sur le capital.
D’un point de vue technique ensuite, on peut envisager de se tourner sur les échanges immobiliers, facilités par le nouveau Code général de la propriété des personnes publiques, ou encore vers des ventes successives, entre personnes privées et personnes publiques, avec des contrats comprenant des engagements ou des cahiers des charges (sans tomber dans le marché public).
On n’oubliera pas, bien sûr, les conventions avec les bailleurs sociaux, qui peuvent permettre de débloquer une question épineuse de financement pour les investissements en termes de logements ou d’infrastructures destinées au social (comme des centres d’hébergement pour sans domicile fixe par exemple).
Il ne faut pas négliger non plus le droit de préemption urbain (qui avait déjà été étendu aux parts de SCI, et qui vient d’être étendu aux fonds de commerce ou artisanaux ainsi qu’aux baux, non sans que cela pose problème…), bien que le DPU doive être mis en œuvre avec beaucoup de soin pour passer sous les fourches caudines des juridictions administratives.
Le droit de priorité peut parfois être mis en œuvre lui aussi avec profit.
La latitude relative que laisse le nouveau droit de l‘aménagement aux élus, dans la manière de « monter » une convention d’aménagement, doit également être étudiée .
Par ailleurs, il est souvent envisageable de mixer tout ces outils ou procédures classiques avec d’autres comme le marché publique ( pour acheter ou faire réaliser une étude), ou la délégation, la concession… de service public, pour déléguer la gestion d’un service public dans des conditions satisfaisantes, ainsi que les baux emphytéotiques, la division en volumes…
Autant d’instruments à la disposition des collectivités qu’il ne faut pas hésiter à examiner et à combiner pour réaliser un projet.
Enfin , la Vente en l’état futur d’achèvement (la VEFA) aujourd’hui injustement décriée et clouée au pilori par deux considérants lapidaires d’un arrêt « Auroux » de la CJCE (janvier 2007), ne doit surtout pas être négligée. Au contraire, elle doit toujours être examinée comme une bonne solution dans la mesure uniquement où elle est une « vraie » VEFA (c’est à dire une VEFA qui correspond aux critères posés par le Conseil d’Etat notamment).
Ces nombreux contrats, également appelés, parfois, contrats de partenariats, ne sont toutefois pas l’équivalent des fameux PPP, car ils concèdent une grande part au financement et à la maîtrise publics et ne tombent pas sous le coup de l’ordonnance de juin 2004.
La politique d’investissement est, comme son nom l’indique, une politique…
1.http://www.ppp.minefi.gouv.fr/guide_contrat_partenariat.pdf
2.Formateur des inspecteurs de la concurrence sur l’ouverture des marchés – Options n° 531/ novembre 2007
ETUAILLO-
Responsable
Département Droit Public Aménagement Urbanisme
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4 commentaires:
je souscris pleinement à ce qui est dit.
J'ajouterai que là où la dépense était prévue en investissement (qu'il soit financé sur fond propre et/ou part emprunt), avec les PPP elle le sera en fonctionnement et le grevera sur de longue années de redevances à ces chers financerus privés!
Bref un bon moyens pour ces politiques qui ne voient que le court terme de leur réelection de présenter des finances saines alors que l'avenir des administrés est fortement pieds et poings liés avec le financeur privé!
Enfin, quand je vois des écoles ou équipements collectifs éducatifs aujourd'hui faits en PPP, quel désengagement de la collectivité!
Cela devrait être une position de principe, portée par les municipalités de gauche et particulièrement par les municipalités gérées par le PCF
Elle pose donc la question de la qualité de ces indicateurs de "bonne gestion" dont on nous abreuve à chaque élection.
En tout cas, mon amie Louve, voilà (encore) un beau travail ;-)
Sans penser que le PPP est la solution miracle à tous les problèmes de l'univers, je ne suis absolument pas d'accord ;)
Tant sur le diagnostic que sur les alternatives d'ailleurs (franchement si c'est pour faire un BEA à la place d'un PPP, tout ce que tu vas gagner, c'est que tu paieras plus d'impôts, fondamentalement c'est la même chose, sauf que tu engraisses bercy au lieu de garder ton budget pour toi, et les autres outils ne servent pas à faire la même chose).
Il y a clairement des problèmes dans le dispositif (notamment le fait que mécaniquement l'appel d'offres restreint fait que tout ou presque va aux 3 gros, ou que le public a tendance a payer la couverture de risque qu'il aurait plutôt intérêt à garder et à mutualiser, ou à se faire enfler parce que ses conseils sont trop mauvais) mais globalement ça marche assez bien (bien mieux que la conception réalisation par exemple).
Il y a des premiers retours assez positifs sur les hôpitaux en délais et en coût de construction, il faudra voir ce que ça donne à termes en coût de possession, mais on ne doit pas jeter le bébé avec l'eau du bain.
Là où je ne te suis pas, c'est que de toute façon, tu fais du PPP quand tu ne peux pas faire en régie, donc les projets en question vont toujours au privé d'une manière ou d'une autre (que tu fasses un marché de maîtrise d'oeuvre + un marché de travaux + 1 marché de maintenance + 1 emprunt ou un contrat de partenariat, tu externalises tout de toute façon).
Une ville comme Paris peut éviter le PPP parce que ce n'est pas la ville qui porte les projets les plus lourds (c'est soit le STIF soit l'AP-HP, et eux ne se privent pas...), donc pour eux c'est un peu facile... En fait je ne vois pas pourquoi on chercherait à éviter le PPP: si tu peux financer toi même, c'est clair que tu as plutôt intérêt à passer par une procédure classique, mais si tu n'as pas l'argent, de toute façon tu passeras par une procédure de préfinancement privé, que ce soit le PPP ou une autre, ça ne change pas grand chose...
Le PPP n'est gênant que parce qu'il traduit un problème plus général, qui est que l'Etat baisse les impôts et se retrouve à engraisser les banques pour financer les investissements. Mais ce n'est qu'un symptôme, pas la racine du mal. Discuter procédure obscurcit la vraie question, qui est le niveau de l'impôt.
Sur les hôpitaux, il y a une première évaluation qui est sur le site de la MAINH (à prendre avec quelques pincettes parce que les comparaisons en matière de délais sont faites entre la signature et la livraison plutôt qu'entre la décision de lancer le projet et la livraison, ce qui serait plus pertinent).
Sans vouloir être pénible, je maintiens que la convention d'aménagement ou la SEM c'est pas alternatif au PPP: ta SEM soit elle est in house et donc tu vas pas te faire chier à confier au privé ce que tu sais faire comme un grand, soit elle l'est pas et t'es censé la mettre en concurrence quand tu lanceras ta procédure quelle qu'elle soit.
Et pour l'aménagement, il n'y aucun intérêt à faire du PPP de toute façon (puisque c'est ton aménageur qui a la maîtrise d'ouvrage et qui préfinance).
Mais pour Paris, sincèrement, je n'ai pas souvenir d'un gros projet porté par la Ville. Le zoo de Vincennes, c'est le MNHN, le tram c'est le STIF, les hôpitaux c'est l'AP, les pompiers c'est l'armée, les centre bus c'est la RATP, concrètement ils ne font pas grand chose qui puisse donner lieu à PPP (à ma connaissance ils portent surtout l'aménagement via des SEM et le logement social, mais le logement social est financé par d'autres biais donc tu n'as pas besoin de PPP dans le secteur). Ils pourraient peut être faire des écoles et des collèges, mais je ne suis même pas sûr qu'il y ait un besoin d'investissement à Paris là-dessus...
@ pg: Tout est affaire de point de vue j'imagine ;-)
Je ne prétends nullement livrer de solution miracle - si'l y en avait à cette épineuse question ,cela se saurait!
- "tout ce que tu vas gagner, c'est que tu paieras plus d'impôts, fondamentalement c'est la même chose, sauf que tu engraisses bercy au lieu de garder ton budget pour toi,"
Il me semble que faire une politique c'est faire des choix - je préfère "engraisser bercy" comme tu dis, plutôt que de lâcher des pans entiers de service public aux 10 plus gros investisseurs dans les collectivités.
Par ailleurs, je ne partage pas ton avis sur les montages que l'on peut envisager en "mixant" diverses solutions - on peut éviter de recourir aux PPP par différents biais.
Encore faut il toutefois en effet avoir envie d'éviter les PPP.
J'ajouterais que deux études très importantes réalisées en GB et au Canada ne partagent absolument pas ton optimisme sur le sujet - c'est intéressant venant de pays où le PPP est pratiqué depuis longtemps (qui ont donc du recul sur la question) et auxquels on ne peut pas reprocher d'être des pays "soviétiques" ;_)
Ta réflexion montre dès les premières lignes que tu as axé ta réflexion principalement sous l' angle très "financement de projet" - non tout ne revient pas au même ni d'un point de vue technique, ni d'un point de vue politique, ni d'un point de vue financier car il y a externalisation et externalisation.
-"Une ville comme Paris peut éviter le PPP parce que ce n'est pas la ville qui porte les projets les plus lourds "
tu as en partie raison mais en partie seulement car le STIF et l'AP sont loin d'être les seuls contributeurs - c'est aussi un choix politique - comment expliques tu autrement les investissements réalisés "en direct" ou en partenariat certes mais pas selon le mode PPP, par la Ville (qui sont encore très nombreux)???? "l'outil SEM" (ah je sais oui c'est pas glamour et mois "in" que les PPP...), les conventions d'aménagement etc etc.
- "il y a une première évaluation qui est sur le site de la MAINH"
hrrmmppfff ;-) c'est un peu comme si tu m'avais sorti les stats de la MAPPP
Encore une fois si on ne parle que de financement l'utilité peut se discuter (et encore , à mon avis d'un point de vue marxiste non ça ne se discute pas trop ;-)) mais il n'y a pas que cela à prendre en compte!
D'ailleurs!!!! le guide des PPP lui même le dit: il y a 3 mauvaises raisons de choisir un PPP et l'une de ces 3 mauvaises raisons est justement la raison financière (gniark gniark)
voici les coordonnées de l'étude canadienne, tabernacle
http://www.fcm.ca/french/media_f/press_f/aug312007-f.html
- "donc les projets en question vont toujours au privé d'une manière ou d'une autre"
Sachant que, comme je le précise, il ne faut pas confondre les contrats ( absolument nécessaires en effet en tout cas pour le moment) qui entraînent coopération avec le privé voire cofinancement , et les fameux PPP - mon opinion n'est pas si manichéenne que cela ;-)
@+ et merci à tous de vos contributions
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