jeudi 6 décembre 2007

Des "romans" sur le travail, l'usine, l'entreprise...



Voici une liste de quelques bons romans à offrir ou à vous faire offrir pour NOël..

« Les Nettoyeurs », de Vincent Petitet
- Sur les consultants, leur management des entreprises « à l’américaine » et le voyage quasi ubuesque d’un jeune consultant que sa naïveté va préserver, finalement, du pire.

« Ouvrière », de Franck Magloire
- Raconte l’histoire de sa mère, ouvrière chez Moulinex depuis 2001.

« Radiation », de Guy Tournaye
- Comment un cadre sup’ se paie son patron aux prud’hommes, pointe à l’ANPE et et aboutit à une réflexion intéressante sur la relation travail/oisiveté.

« Daewoo », de François Bon
- Une plongée dans l’entreprise vue par un ingénieur « maisons ».

« Les vivants et les morts », de Gérard Mordillat
- L’histoire des combats d’ouvriers face à la mort de leur usine largement inspiré de Metaleurope…

Le même Gérard Mordillat a aussi écrit « Notre part des ténèbres », qui raconte l’histoire d’ouvriers qui se battent contre le fonds spéculatif US qui a « pris » leur usine pour la transférer en Inde.

« Composants » et « CV Roman » de Thierry Beinstingel
- La semaine d’un intérimaire qui range des composants dan une usine . Dans l’autre, une interrogation sur les Curriculum vitae , avec une réflexion originale sur « l’identité »…

---- Ensuite on peut lire et cet article et le livre ( je ne l'ai pas -encore- lu)

La maison d’édition "L’Insomniaque" nous offre un petit bijou avec ce livre qui décrit à la perfection la vie, la vraie, d’un salarié d’usine. Celle dont les médias ne parlent jamais. Celle dont tout le monde se fiche. Pour mieux appréhender cette existence faite de lassitude et de souffrance, l’auteur a placé sa caméra à même le sol, en plein cœur.
Et pour cause : Jean-Pierre Levaray a la double casquette d’écrivain-ouvrier. Et quel écrivain ! Et quel livre ! Un témoignage hors du commun.

Bien sûr, en France, il ne faut pas se plaindre lorsqu’on a un boulot, mais ce "privilège" n’a parfois pas de prix.
Jean-Pierre Levaray témoigne de la souffrance salariale et dénonce, une bonne fois pour toutes, les mauvais traitements que subissent au quotidien les ouvriers des grandes usines.

Sa voix s’élève, franche, sans fioriture ni détour et c’est un vrai plaisir que de l’écouter. Enfin la vérité crue, telle qu’elle est vécue par des milliers de salariés exploités, réduits en esclavage pour une paye de misère, déboussolés par le régime des 3/8 qui nuit tant à leur équilibre physique et psychologique. Les médecins le disent assez, avec les 3/8, l’horloge biologique est complètement déréglée : « C’est dans les statistiques : les ouvriers vivent moins longtemps que les cadres. Qu’on n’incrimine pas seulement le tabac et l’alcool, le rythme et les conditions de travail y sont pour beaucoup. Il y a la pénibilité et les poussières, le stress, les multiples changements d’horaire de travail. »

L’auteur insiste aussi sur les risques du métier et c’est avec émotion mais sobriété qu’il rend hommage aux collègues disparus, ceux qui ont été victimes d’accidents au sein même de l’usine, ceux contaminés, ceux à qui on a délibérément sabré le moral. La liste est longue...

Son récit s’achève sur la catastrophe de l’usine AZF de Toulouse où il a d’ailleurs bien failli être muté.

Jean-Pierre Levaray nous interpelle, et nous nous demandons subitement comment des hommes trouvent le courage de se lever le matin en sachant pertinemment qu’ils peuvent ne pas revenir le soir chez eux. Nécessité fait loi certes, mais il faut bien reconnaître qu’on touche là à l’inhumain, à l’impensable, dans nos sociétés modernisées et technologiquement à la pointe du "progrès". L’auteur nous dit des choses justes, telles qu’elles se vivent au quotidien, sans misérabilisme, tout simplement parce que ceux qui ne connaissent pas l’usine ne peuvent pas imaginer à quel point ce quotidien est lourd. Même avec toute la bonne volonté du monde, on ne peut généralement appréhender ces choses-là que de loin, de l’extérieur.

Jean-Pierre Levaray nous ouvre donc les grilles de cet enfer et, sans nous brusquer, nous fait pénétrer à l’intérieur des bâtiments, dans les ateliers, en pause, sur le parking. Par omniscience, il nous invite à sonder le cœur même de ces Hommes, avec un grand H. Visite guidée d’un monde auquel le citoyen lambda a rarement accès. Et ça fait un bien fou !

Ce n’est certes pas le spectacle de la souffrance qui nous transporte, mais la franchise de son auteur, qui nous dévoile à cœur ouvert le quotidien de ce monde. Dans cet enfer rébarbatif et ennuyeux, où le travail, essence de l’homme, se réduit à des tâches inintéressantes voire soporifiques, le salarié en arrive même à rêver qu’on le vire...

Mais la nécessité, toujours elle, le contraint, chaque jour davantage, à poursuivre son labeur...

Putain d’usine commence par cette monotonie, cette satisfaction minimale : « Tous les jours pareils. J’arrive au boulot (...) et ça me tombe dessus, comme une vague de désespoir, comme un suicide, comme une petite mort, comme la brûlure de la balle sur la tempe (...). On fait avec mais on ne s’habitue pas. Je dis « on » et pas « je » parce que je ne suis pas seul à avoir cet état d’esprit : on en est tous là. » Terrible constatation ; style d’une simplicité poignante et poétique à la fois.
« Marre. Il y a des jours, c’est pire que tout. On n’a pas envie d’y aller, parce que c’est pas ça la vie. On est loin d’être défini par ce que l’on fait à l’usine. Être salarié, c’est pas nous. A l’usine on n’est pas grand-chose, la vraie vie est ailleurs, pas là, pas pendant ces huit heures perdues. »

Jean-Pierre Levaray, vous êtes un grand Monsieur de l’écriture, nous vous le confirmons, et c’est l’une des facettes du talent qui vous définit. Vous savez nous emporter loin dans votre univers poétique alors même que le socle de votre témoignage est l’usine, endroit purement et simplement abject. J’ai personnellement eu un plaisir sans borne à vous lire, plus encore que Zola...

Votre livre, je l’ai ouvert et n’ai pu le poser pour le refermer qu’après l’avoir dévoré en son entier. Alors, je vous laisse la parole en guise de conclusion. Cette citation est extraite de votre sublime chapitre La nuit, dans lequel votre poésie se révèle particulièrement : « C’est malheureux à dire, mais une usine c’est beau la nuit. Les éclairages blancs et orangés, le métal des tuyauteries qui capte les moindres étincelles de lumières, et ces cumulus qui paraissent majestueux lorsqu’ils s’échappent des cheminées. Le tableau offert fait oublier les poisons que relâche l’usine. C’est si irréel qu’on en oublierait qu’il faut du monde pour faire tourner l’usine... »

SOURCE:
http://www.vox-populi.net/article.php3?id_article=323

1 commentaire:

François a dit…

Salut tout le monde,bravo Elodie pour ces livres dont tu fais la pub.;ils sont absolument indispensables aux camarades qui n'ont que la théorie du mouvement ouvrier.En effet celui(celle) qui n'a pas connu la condition ouvrière ne peut pas vraiment comprendre l'HORREUR du boulot,de la mine,de l'usine,la raffinerie,le bâtiment,bref l'emploi de "prolo"au bas de l'échelle sociale.

Quand je vois certains emplois disparaîtrent je me dis "OUF !!! des esclaves en moins,même au chômage ils seront plus heureux"

Cela peut sembler contradictoire pour un Marxiste , un Communiste.
Je dirai peut-être mais plutôt que de voir souffrir,mourir les camarades_et dans quelles conditions?_on préfère les voir oisifs,s'emmerder sans pognon,mais les voir VIVANTS et en bonne santé physique et psychologique tant que faire se peut.

Dans les années 60 j'ai vu chez Ugine Kulman(produits chimiques)des travailleurs avoir la" maladie professionnelle" par dizaines;ils étaient rongés par les produits qu'ils manipulaient et n'avaient pas le temps,et de très loin,d'arriver à la retraite.Ils souffraient terriblement du bas ventre et devaient être opérés.L'opération consistait à "nettoyer" ce qui pouvait l'être et ôter la vessie et la prostate pour enfin dévier les urines à l'aide d'un tuyau en plastique qui plongeait dans une sacoche accrochée à la ceinture.J'ai vu des gars dans cet état à moins de 45 ans!!Cette maladie professionnelle n'était autre qu'un cancer qui se généralisait très vite,les autres organes vitaux étant également touchés.Et,de plus,l'état de santé dans lequel cette "putain d'usine" laissait ses "serviteurs" n'arrangeait rien.

Petite parenthèse:durant toute la guerre 40 , 45 cette même usine fabriquait du VIN en poudre,12 degrés,dans lequel il n'y avait pas un gramme de raisin...Une grande partie de ce pinard était destinée à nos troupes.Il en fut de même également pendant la guerre d'Algérie.La poudre était facile à transporter,il suffisait d'y ajouter de l'eau et hop!le nectar était prêt!!

Chez Renault Cléon(près de Rouen)où j'ai bossé pendant 4 à 5 ans,j'ai failli partir dès le premier jour tellement l'impression d'enfermement était énorme.D'abord on m'a mis sur un tour à la "production" :tant de pièces à sortir par jour et pas moins (plus,on avait le droit)Au bout de 15 jours on m'a transféré au contrôle technique car j'étais entré avec du piston(je crois bien qu'il regrette encore mon piston...)
Un jour j'avais oublié mes cigarettes,aussi je me suis rendu voir un gars qu'on m'avait indiqué sur la chaîne R8 qui en amenait et les revendait se faisant une petite pièce au passage.
Salut c'est toi qu'as des pipes ?Ouai ,qu'est-ce tu veux,des gauldus?Ouai des gauldus.Vas y sert toi!

Ce type bossait à l'aide d'une clé dynamométrique avec laquelle il serrait des boulons sur chaque moteur qui passait.A cette époque le paquet de gauloises était à 1,30 franc.Je lui filais 2 francs ,il devait me rendre 50 cts.Pour ce faire il augmenta sa cadence de manière folle pendant au moins dix minutes afin de pouvoir me rendre ma monnaie sans se mettre à la bourre.Je restais comme un con à regarder ça me disant:"c'est pas possible"Là je lui demande :"si tu veux aller aux chiottes,tu fais comment"Il me regarde "t'es nouveau toi,hein?Pour aller aux chiottes je lève le doigt et j'attends le bon vouloir d'un polyvalent afin qu'il me remplace...quand il y en a un"

Je venais de prendre ma première grande claque dans la gueule!ce type faisait ce boulot pour lequel il fallait 15 à 20 minutes pour l'apprendre,TOUS LES JOURS,depuis des années et peut-être pour toute sa vie,ne pouvant aller faire ses besoins que si on voulait bien le remplacer.C'était une ignominie qu'on ne pouvait accepter plus longtemps,il fallait se battre et ne plus tolérer cela.

Le pire c'est que ce type ,lors d'une grève,était des derniers à débrayer!!Le conditionnement,l'abrutissement ? Je n'en sais rien.

Quand on arrivait au boulot le matin on disait "vivement ce soir",les minutes duraient des heures,c'était l'enfer.

Pour ma part je suis parti de ce calvaire en 70 pour faire le travail d'éducateur.

Mon père(1898-1963) qui avait commencé à travailler à l'âge de 12 ans finit sa carrière aux papeteries de la Chapelle.Dans cette usine on ne comptait plus les accidents du travail.Le plus souvent c'était un gars qui passait sous une presse.Mais il y en avait bien d'autres également.

Mon père est décédé à l'âge de 65 ans MOINS 15 JOURS.Ma mère dû mener une action en justice pour pouvoir cependant toucher sa pension de reversion.Le président du tribunal dit textuellement ceci:"vous ne toucherez que la moitié de ce que vous auriez pu avoir car votre mari est mort 15 jours trop tôt" !!!
Ces mots résonnent encore dans ma tête au point de me foutre la rage à chaque fois que je les "réentends".

C'est pouquoi aujourd'hui quand je vois des bureaucrates décider à la place de la base et non sur son approbation,je vois rouge et ne peux l'accepter.

Créons,contruisons,reconstruisons le Parti qui délivrera les opprimés du joug de la bourgeoisie.

Fraternellement à toutes et à tous.
François.